Les membres de la délégation aux droits des femmes du Sénat alertent, via une tribune publiée sur le site Libération.fr le 26 juin 2024, sur les dangers d'une recrudescence de l'excision des petites et jeunes filles durant les vacances d'été.

« Chaque année, des milliers de petites filles françaises reviennent de leurs grandes vacances mutilées, après une visite dans un pays où vit une partie de leur famille, un pays qui pratique une barbarie encore à l’œuvre au XXIe siècle : l’excision », alertent les signataires de la tribune sur Liberation.fr .

D’après les derniers chiffres de l’Unicef de mars 2024, à l’échelle mondiale, plus de 230 millions de filles et de femmes en vie aujourd’hui ont subi des mutilations génitales féminines, soit 30 millions de victimes survivantes supplémentaires par rapport aux données publiées il y a huit ans. C’est environ une femme sur vingt dans le monde qui est concernée.

La majorité des cas se concentre sur le continent africain, avec 144 millions de cas recensés, principalement dans l’est et l’ouest de l’Afrique (Sénégal, Mauritanie, Mali, Côte d’Ivoire), suivi par l’Asie avec 80 millions de cas et le Moyen-Orient avec 6 millions de cas. Avec une tendance inquiétante : celle de la précocité de ces mutilations qui concernent des filles de plus en plus jeunes, parfois avant leur cinquième anniversaire.

De quoi parlons-nous exactement ? Car, oui, il faut mettre des mots sur cette barbarie.

L’excision consiste à couper, à l’aide d’une lame de rasoir et sans aucune forme d’anesthésie, la partie externe du sexe féminin : le clitoris et les lèvres de la vulve. Une petite fille est excisée toutes les six minutes dans le monde… Il faut se figurer l’atrocité de la douleur, le psycho-traumatisme à vie et les multiples complications sanitaires que rencontrent ces filles mutilées, parfois âgées de quelques années seulement, parfois adolescentes, à l’aube de leur vie de femme.

Alors, que faisons-nous aujourd’hui, collectivement, pour arrêter cette barbarie ? Que faisons-nous pour protéger ces petites filles d’une douleur indicible, d’une mutilation à vie et parfois de la mort, une mort atroce par hémorragie ?

L’excision est bien sûr un crime puni par la loi française qui protège tous les enfants qui vivent en France, quelle que soit leur nationalité, et qui s’applique pour les mutilations commises en France comme à l’étranger. Le code pénal prévoit de lourdes peines d’emprisonnement pour les auteurs de mutilation et pour les responsables de l’enfant mutilée. La loi punit également l’incitation à subir ou à commettre une mutilation sexuelle. Mais, pour que ces crimes soient punis, encore faut-il en avoir connaissance.

C’est pourquoi, la question de la prévention et de l’information est primordiale pour parvenir à sortir l’excision des ténèbres du cercle familial.

Aujourd’hui, nous, sénatrices et sénateurs de la délégation aux droits des femmes, exigeons d’abord la mise en œuvre, dans l’ensemble des écoles et pour tous les élèves concernés, des séances obligatoires d’éducation à la vie affective et sexuelle en y intégrant une information spécifique sur l’interdiction par la loi des mutilations sexuelles féminines et sur les risques liés à ces pratiques. Toujours à l’école, la médecine scolaire, par le biais de ses infirmières, a une véritable mission de prévention et de contrôle.

Nous demandons également que le gouvernement communique, à l’approche des vacances d’été, sur les risques judiciaires encourus par toute personne ayant autorité sur une mineure et qui se rendrait coupable ou complice de la commission du crime de mutilation.

Enfin, nous souhaitons que la France continue à endosser un rôle moteur en matière de plaidoyer international sur le sujet des mutilations sexuelles féminines.

Pour que plus aucune jeune fille ne rentre mutilée à vie de ses vacances d’été, nous devons réaffirmer la barbarie de ces pratiques criminelles, communiquer sur les risques liés à ces mutilations et sur les peines encourues par ceux qui s’en rendraient coupables. »


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Liste des signataires : Dominique Vérien, sénatrice de l’Yonne, Présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat, puis par ordre alphabétiqueMarie-Do Aeschliman, sénatrice des Hauts-de-Seine ; Jocelyne Antoine, sénatrice de la Meuse ; Jean-Michel Arnaud, sénateur des Hautes-Alpes ; Annick Billon, sénatrice de la Vendée ; Hussein Bourgi, sénateur de l’Hérault ; Colombe Brossel, sénatrice de Paris ; Samantha Cazebonne, sénatrice représentant les Français établis hors de France ; Évelyne Corbière Naminzo, sénatrice de La Réunion ; Laure Darcos, sénatrice de l’Essonne ; Agnès Evren, sénatrice de Paris ; Gilbert Favreau, sénateur des Deux-Sèvres ; Bernard Fialaire, sénateur du Rhône ; Béatrice Gosselin, sénatrice de la Manche ; Véronique Guillotin, sénatrice de la Meurthe-et-Moselle ; Loïc Hervé, sénateur de la Haute-Savoie ; Micheline Jacques, sénateur de Saint-Barthélemy ; Lauriane Josende, sénatrice des Pyrénées-Orientales ; Else Joseph, sénatrice des Ardennes ; Marc Laménie, sénateur des Ardennes ; Annie Le Houerou, sénatrice des Côtes-d’Armor ; Marie-Claude Lermytte, sénatrice du Nord ; Marie Mercier, sénateur de la Saône-et-Loire ; Brigitte Micouleau, sénatrice de la Haute-Garonne ; Marie-Pierre Monier, sénatrice de la Drôme ; Guylène Pantel, sénatrice de la Lozère ; Marie-Laure Phinéra- Horth, sénatrice de la Guyane ; Olivia Richard, sénatrice représentant les Français établis hors de France ; Marie-Pierre Richer, sénatrice du Cher ; Laurence Rossignol, sénatrice du Val-de-Marne ; Elsa Schalck, sénatrice du Bas-Rhin ; Laurent Somon, sénateur de la Somme ; Anne Souyris, sénatrice de Paris ; Sylvie Vente Le Hir, sénatrice de l’Oise ; Marie-Claude Varaillas, sénatrice de la Dordogne ; Adel Ziane, sénateur de la Seine-Saint-Denis.