Un tribunal civil a condamné un homme pour des faits d’agressions sexuelles datant de plus de 30 ans, et prescrits par la justice pénale. Cette décision pourrait changer la donne en matière de prescription. Si elle n’est pas infirmée en appel ou par la Cour de cassation, elle devrait faire jurisprudence.

Jérémy Garamond, 46 ans, a obtenu la condamnation de José Bruneau de La Salle, figure du monde hippique et gérant d'écurie, pour "agressions sexuelles sur mineur de moins de 15 ans", plus de 30 ans après les faits, a rapporté BFMTV, le 29 novembre.

Les faits dénoncés par Jérémy Garamond s’étant déroulés il y a plus de 30 ans, ceux-ci étaient donc prescrits par la loi. En effet, la prescription, devant un tribunal pénal, prend effet à partir de la date des faits, et donc, il ne pouvait, par cette voie, espérer obtenir la condamnation de son agresseur.

"Contrairement à l'action pénale, l'action civile n'est pas prescrite"


« Contrairement à l'action pénale, l'action civile n'est pas prescrite car celle-ci place le point de départ du délai de prescription [article 2226 du Code civil, ndlr], non pas au moment des faits ou de la majorité de la victime mineure, mais au jour de la consolidation du dommage », explique Maître Oliver Pardo, avocat de Jerémy Garamond, dans un communiqué.  L'avocat a donc poursuivi José Bruneau de La Salle, non pas pour un crime ou un délit mais pour une « faute » [article 1240 du Code civil, ndlr] qui « a causé un préjudice » et qui mérite « réparation ».

Les séquelles psychologiques de Jérémy Garamond ont été évaluées par un spécialiste, qui a jugé que le préjudice n'a été consolidé qu'en 2018. Pour l'expert, le fait que la victime soit prête à effectuer des démarches en justice pour obtenir réparation montre que le tribunal peut encore se saisir de l'affaire. « On ne peut pas quantifier le préjudice tant qu'il est encore en construction », indique à Franceinfo, Audrey Darsonville, professeure de droit pénal à l'université Paris Nanterre.

José Bruneau de la Salle a été condamné à verser à la victime plusieurs milliers d'euros de dommages et intérêts. Pour Olivier Prado, avocat de la victime se félicite de cette décision « qui ouvre la voie d'action en réparation au civil pour toutes les victimes d'agressions sexuelles qui se heurtent à la prescription pénale, dans le respect des exigences d'un procès équitable ».

Cette décision, qui peut toutefois encore être infirmée en appel puis en cassation, est « particulièrement intéressante », commente pour Franceinfo, Audrey Darsonville. « C'est une reconnaissance par la justice de l'existence d'un préjudice. Lorsque les faits sont prescrits en matière pénale, ça peut être une solution pour des victimes qui veulent tout de même une condamnation », souligne-t-elle. « Cela ne peut être que du cas par cas, il ne faut pas espérer que cela soit applicable pour tous et dans toutes les juridictions », précise la juriste.