Autisme et pédopsychiatrie : un secteur en crise
Tribune de Bernard Golse, pédopsychiatre et psychanalyste, président fondateur de l’Institut Contemporain de l’Enfance et président de la CIPPA (Coordination internationale entre psychothérapeutes psychanalystes et membres associés).
2023 est une année charnière pour l’autisme et la pédopsychiatrie qui traverse une crise sans précédent tant sur le plan quantitatif que qualitatif ce dont témoigne le récent rapport de la Cour des Comptes sur l’accès aux soins en Pédopsychiatrie. Les Assises de la pédiatrie et de la santé mentale et le nouveau plan autisme devront prendre la mesure de cette situation particulièrement critique.
L’année 2023 doit être charnière en ce qui concerne l’autisme et la pédopsychiatrie. Cette dernière traverse pourtant une crise absolument sans précédent tant sur le plan quantitatif (il n’y a plus que 700 pédopsychiatres qualifiés en exercice en France pour une cohorte de 1.600.000 enfants présentant des troubles psychiques légers, moyens et graves !) que qualitatif (inadaptation des dispositifs de soins aux besoins effectifs) ce dont témoigne clairement le rapport de la Cour des Comptes sur l’accès aux soins et sur l’offre de soins en Pédopsychiatrie qui vient d’être publié (rapport coordonné par Juliette Méadel).
La pédopsychiatrie est donc en passe de disparition au profit d’une neuropédiatrie éminemment respectable mais épistémologiquement différente. Les Assises de la pédiatrie et de la santé mentale qui doivent avoir lieu avant la fin de l'été et le nouveau plan autisme qui va être dévoilé prochainement devront prendre la mesure de cette situation particulièrement critique. Cela étant, nous devons être sans relâche, profondément soucieux du respect dû aux personnes autistes et extrêmement attentifs à ce que les mesures qui leur sont proposées soient éthiquement irréprochables et scientifiquement légitimes.
Intégrer l’autisme aux travaux des Assises de la pédiatrie
L’autisme ne doit pas être « oublié » par les Assises de la pédiatrie sous le prétexte qu’il serait uniquement un handicap relevant du champ médico-social et non une pathologie relevant du champ sanitaire. Je rappelle en effet que les troubles du spectre autistique (TSA) ne représentent qu’une composante particulière des troubles dits neurodéveloppementaux (TND) et que de ce fait, le clivage entre le registre sanitaire qui concernerait les TND et le registre médico-social qui concernerait plus spécifiquement les TSA s’avère en réalité parfaitement artificiel. Le concept de handicap renvoie aux conséquences d’une situation et non pas à ses causes. De ce fait, réduire uniquement l’autisme à un handicap vaut comme une erreur épistémologique dommageable.
Au contraire, le médico-social et le sanitaire doivent être étroitement articulés et ceci notamment au niveau des agences régionales de santé (ARS) afin de pouvoir procéder aux orientations des patients en partant de leurs besoins et pas seulement en fonction des places disponibles. Les cas complexes réclament une gestion spécifique et la mise en place de registres permettant d’améliorer leur prise en charge et la recherche en ce domaine. Si la recherche neurobiologique et la recherche génétique dans le champ des troubles neurodéveloppementaux et des troubles du spectre autistique sont particulièrement importantes, elles ne sauraient à elles seules résumer l’ensemble de la démarche de recherche. L’implication des sciences humaines est également essentielle (anthropologie, sociologie, linguistique …) afin d’accompagner au mieux ces personnes et de favoriser leur intégration. Compte tenu enfin du manque actuel important et cruel de pédopsychiatres, les formations initiales et la formation continue doivent être rapidement repensées pour les médecins mais aussi pour toutes les professions impliquées dans la prise en charge des troubles autistiques.
Deux points clés sur le plan organisationnel méritent une attention particulière
Il importe tout d’abord que le concept de diagnostic précoce, si ce n’est précocissime, n’amène pas des enfants dont le retrait ou les difficultés relationnelles ne sont pas de nature autistique à se retrouver pourtant inclus dans des filières spécialisées pour les TSA, filières dans lesquelles ils risquent d’être retenus alors même que leurs troubles ne se situent pas dans ce champ. Par ailleurs, si le secteur de psychiatrie infanto-juvénile est amené à être redéfini et redoté à hauteur des besoins considérables d’une discipline pédopsychiatrique sinistrée, il importe alors que toutes les PCO (Plateformes de Coordination et d’Orientation) – y compris celles consacrées aux TSA – soient portées par une structure sanitaire clairement et étroitement associée à la psychiatrie de secteur que le monde entier nous envie encore du fait de sa dimension démocratique (répartition égalitaire des moyens, accessibilité des soins, rôle dans la prévention et action à la fois généraliste et spécialisée). La problématique autistique concerne la psychiatrie dans son ensemble (psychiatrie et pédopsychiatrie) tant au niveau diagnostique que thérapeutique et il importe de réaffirmer - comme le fait la CIPPA - la nécessité d’une approche humaniste et transdisciplinaire des pathologies autistiques seule à même de garantir la dignité des personnes autistes concernées.