Selon l'Insee, les inégalités sociales se reproduisent "en partie d’une génération à l’autre"
Pour la première fois, l'Insee étudie la mobilité intergénérationnelle des revenus, « qui constitue un indicateur de la capacité d’une société à assurer une égalité des chances ».
Les différentes théories du sociologue Pierre Bourdieu sur le mécanisme de reproduction sociale sont-elles toujours d'actualité ? Grâce à l’enrichissement des données fiscales, l’Insee a pour la première fois relié directement les revenus des enfants de 28 ans, une fois entrés dans la vie active, à ceux de leurs parents.
Premiers constats : « mieux les parents sont classés dans l’échelle des revenus, mieux le sont également en moyenne leurs enfants par rapport aux jeunes adultes de leur génération », relève l’institut de la statistique. Ainsi, les enfants de familles aisées ont trois fois plus de chances d’être parmi les 20 % les plus aisés que ceux issus de familles modestes : il y a donc une persistance des niveaux de revenu entre générations et les inégalités se reproduisent en partie.
« Les revenus des enfants à 28 ans ne dépendent pas seulement des revenus de leurs parents », nuance l'Insee. Parmi les enfants de parents défavorisés (tout en bas de la distribution des revenus des parents), un quart fait partie des 40 % aux revenus les plus élevés de leur génération tandis que, parmi les enfants des parents les plus aisés, un quart des enfants appartient aux 40 % des revenus les plus faibles. Parmi les enfants des parents les plus riches, un quart appartient à l’inverse aux 40% des revenus les plus faibles et 15% font même une mobilité très descendante vers les 20% les plus pauvres.
On retrouve les inégalités entre les hommes et les femmes également à travers la mobilité intergénérationnelle.
En clair, les fils ont près de deux fois plus de chance de réaliser une mobilité ascendante vers les 20% les plus aisés que les filles. Par ailleurs, en 2018, 15% des garçons de 26 à 29 ans issus de parents faisant partie des 20% des revenus les plus faibles se situaient parmi les 20% les plus riches, contre seulement 8% des filles.
La mobilité ascendante est d’autant plus forte que les parents ont des revenus du capital élevés, sont diplômés du supérieur, sont immigrés, ont été mobiles géographiquement, ou que les enfants résident en Île-de-France à leur majorité. À l’inverse, être une femme, avoir vécu dans une famille monoparentale, avoir des parents ouvriers ou employés, ou vivre dans les Hauts-de-France à sa majorité sont des facteurs qui réduisent les chances de s’élever dans l’échelle des revenus
Les inégalités sont aussi géographiques, la mobilité ascendante étant plus élevée pour les enfants d’Ile-de-France (21% issus de familles modestes comptent aujourd’hui parmi les plus aisés) et plus faible pour ceux des Hauts-de-France (7%).
« Cet effet est lié à l’attractivité et aux opportunités d’études supérieures et d’emplois qu’offre l’Île-de-France », indique l’Insee, précisant que l’attractivité de la région capitale « se diffuse partout dans son territoire, ce qui rend les taux de mobilité homogènes au sein de la région. La mobilité ascendante est ainsi très proche en Seine-Saint-Denis et dans les Hauts-de-Seine (19 %) alors que les deux départements sont très éloignés en matière de revenu moyen ».
A lire le décryptage de l'étude Insee par Michaël Sicsic, direction des statistiques démographiques et sociales, Insee.
La France est-elle LE pays de la reproduction des inégalités entre générations ?