Analyse de Christophe Daadouch, docteur en droit et formateur auprès de travailleurs sociaux.
Christophe Daadouch est docteur en droit, formateur dans les institutions sociales et médico-sociales depuis plus d’une vingtaine d’années sur les thématiques du secret professionnel, du droit des étrangers, du droit de la famille, de la protection de l’enfance et du droit pénal des mineurs. Il est l'auteur, avec Pierre Verdier (docteur en droit, avocat au barreau de Paris, spécialisé en droit de la famille), de l'ouvrage « La protection de l'enfance, un droit en mouvement » aux Éditions Berger-Levrault (4e édition - mai 2023).
Il va falloir s’y faire et lire attentivement les programmes et déclarations du RN sur de nombreux sujets puisqu’il est maintenant aux portes du pouvoir. Je dois avouer que jusqu’alors je ne le faisais pas : mon odorat a toujours été trop sensible aux odeurs des poubelles. Sur la délinquance des mineurs à quoi faudrait-il donc s’attendre ? Peut-être pas tant de révolutions que cela et ce pour trois raisons.
La première est que nous sommes engagés par la Convention internationale des droits de l’enfant qui encadre le droit pénal des mineurs.
La seconde découle d’un certain nombre de principes fondamentaux établis par le Conseil constitutionnel en particulier à l’occasion des lois Perben ou Dati.
La troisième explication est que nombre de propositions sont déjà en œuvre ou été annoncées récemment par Gabriel Attal. Lorsque Jordan Bardella explique vouloir « généraliser le principe des centres éducatifs fermés » il reprend là une proposition du candidat Macron qui annonçait le doublement du nombre de CEF. Et tant pis si un récent rapport de la Cour des comptes interroge l’efficacité de ces centres et conseille de marquer une pause dans la mise en place de nouvelles structures de ce type. Selon la Cour, « la faiblesse des études relatives à leur efficacité, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée pour encadrer les mineurs et les problèmes rencontrés dans leur fonctionnement ».
Quand il entend vouloir mettre un terme à l’excuse de minorité, il prolonge, certes de manière plus affirmative, le propos du Premier ministre qui, le 18 avril dernier, déclarait « Je suis prêt dans le cadre de la discussion qu’on aura à regarder comment atténuer dans certains cas l’excuse de minorité », à condition qu’il soit « possible et efficace » de le faire. En même temps il n’est pas illogique que le RN veuille s'en prendre à un des derniers reliquats du texte de 1945 élaboré par le Conseil national de la … Résistance.
Dans un tel scénario se posera pour les professionnels de la Justice, et en particulier de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), la question du devoir de réserve et du devoir d’obéissance constitutifs du statut de la fonction publique obligeant à mettre en œuvre des politiques aussi éloignées des principes éducatifs qui ont pu régir leur intervention.
Le même Bardella fait-il preuve de grande imagination quand il dit « qu'il faut dès le plus jeune âge, un peu sur le modèle des pays d'Europe du nord, des peines très courtes et immédiates ». Pour l’immédiateté, le Premier ministre annonçait lui-même le 24 mai qu'un projet de loi « avant la fin de l'année » devra permettre la mise en place d'une forme de « comparution immédiate » des jeunes à partir de 16 ans. Finalement la principale annonce serait la remise en cause du principe d’irresponsabilité pénale des moins de 13 ans établi par le CJPM (Code de la justice pénale des mineurs).
Sur le site du RN, on lit que « Cette folle mesure proposée dans le cadre de la réforme de la justice des mineurs s’inscrit dans cette vision dépassée, dangereuse et irresponsable d’une justice de l’excuse qui déresponsabilise l’auteur d’un acte délictueux en raison de son âge, ouvrant ainsi la porte à un renforcement du sentiment d’impunité, véritable matrice de la récidive ».
Ce court recensement n’est évidemment pas exhaustif, en particulier sur la délinquance des mineurs non accompagnés (MNA) ou la musique habituelle sur la suppression des allocations familiales, grand flop des années Sarkozy.
Outre le programme, se posera nécessairement en cas d’élection la question de l’identité du futur ministre de la Justice.
Certains candidats à cet éminent poste auront à réviser leurs fiches. Quand le député RN Philippe Balard déclare que « alors que les 13-17 ans représentent 6% de la population française », ils se trouvent impliqués dans « 46% des violences sexuelles ». Les chiffres disponibles montrent que 28% (et pas 46%) des mis en cause (et pas condamnés) sont mineurs. Etant précisé que les mineurs représentent 21% de la population. Au moins Balard aura lu Maurice Berger et en tire une proposition limpide: « à la première incartade, on incarcère ».
Comment n’y avons-nous pas pensé avant ? Dans un tel scénario se posera pour les professionnels de la Justice, et en particulier de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), la question du devoir de réserve et du devoir d’obéissance constitutifs du statut de la fonction publique obligeant à mettre en œuvre des politiques aussi éloignées des principes éducatifs qui ont pu régir leur intervention. Le ministère tu l’aimes ou tu le quittes ? Selon les résultats la consultation de LinkedIn le soir du 7 juillet sera un bon indicateur de la réponse à cette question éthique complexe.