Protection de l'enfance : "De nombreux dysfonctionnements confrontent de plus en plus de professionnels et de jeunes à une violence inouie"

L'association « Parlons d’eux » présidée par Tony Quillardet, ancien enfant placé, a adressé, le 22 août, une lettre ouverte au Président de la République.

Monsieur le Président de la République,


J’ai l’honneur de vous écrire afin de parler d’un sujet essentiel aujourd’hui dans notre société : la Protection de l’Enfance.
Écologie, confiance en la vie démocratique, pouvoir d’achat, immigration, sécurité : ces sujets sont d’une importance capitale.
Que les Français puissent continuer à faire leurs courses face à l’abominable inflation pour les petits portes-monnaie,
Que les Français soient de plus en plus sensibilisés quant à la transition écologique, et ainsi éviter les conséquences drastiques établies par de nombreux experts,
Que les Français vivent dans une France rayonnante, avec ses plus belles entreprises de savoir-faire ou d’intelligence artificielle, à renommées mondiales,
Que les Françaises puissent se balader, comme bon leur semble, avec la taille de jupe qu’elles souhaitent, sans qu’elles ne soient inquiétées par le comportement abusif de certains.

Cette France, vous souhaitez nous l’offrir, et nous, citoyens, en rêvons. Cette volonté, vous sembliez l’avoir formulée comme des vœux chers pour vous, et nous vous en remercions. Or, tout comme vous, un vœu fort anime notre association ainsi que d’autres du secteur. Il sera unique, mais aux multiples conséquences.

La France de demain, ce sont nos jeunes. Parmi eux, plus de 300 000 sont concernés par une mesure de Protection de l’Enfance, une politique publique aux volontés de sauver de nombreuses vies et/ou de tenter de réparer de nombreuses trajectoires.

Toutefois, cette politique publique est gravement malade. De nombreux dysfonctionnements confrontent de plus en plus de professionnels et de jeunes à une violence inouie : foyers surchargés et au bord du désastre, hausse de la prostitution des mineur(e)s protégé(e)s, faible nombre de jeunes protégés en études supérieures, des travailleurs sociaux peu valorisés, accompagnement médiocre des enfants concernés tant sur le plan éducatif que psychologique, mise à la porte des jeunes le jour de leurs 18 ans...

Assurément, la volonté des travailleurs médico-sociaux n’est pas à remettre en question ici. Ces derniers exercent, pour une majorité écrasante, leur profession avec cœur, amour, dévouement, et parfois en se maltraitant afin de pallier les dysfonctionnements systémiques. Malheureusement, la causalité adéquate de ces nombreuses problématiques est pointée du doigt depuis de nombreuses années
par de multiples acteurs associatifs, politiques comme bénéficiaires de cette mission de service public : le manque considérable de moyens alloués à ce secteur en crise.

De plus, aujourd’hui décentralisés, les services d’Aide Sociale à l’Enfance sont placés sous la Présidence des départements, collectivités constitutionnellement autorisées à s’administrer librement. Or, qu’en est-il des départements récalcitrants en matière de Protection de l’enfance ? Parce que les enfants ne sont pas (leurs) électeurs ? Inexorablement, chaque enfant pris en charge sur le territoire ne vit pas de la même manière, et est au chevet des politiques publiques départementales, très souvent
restrictives ou limitées.

Monsieur le Président de la République, l’égalité des chances entre les jeunes de notre pays, voire entre les jeunes protégés eux-mêmes, est totalement bafouée, et nous sommes dans le regret total de le constater. Pourtant, les jeunes de la Protection de l’Enfance doivent en ressortir avec confiance, estime de soi et goût à la vie, et non avec des maux parce que des politiques publiques ont décidé de les
mettre de côté.

Alors, nous avons cet unique vœu à vous formuler, Monsieur le Président de la République, qui est de vous rencontrer, vous en personne avec un ou quelques membres de notre association. Nous travaillons déjà avec le cabinet de Madame la Secrétaire d’État chargée de l’Enfance auprès de la Première Ministre, mais nous souhaitons nous adresser personnellement à vous. Nous souhaitons vous faire part de notre parcours, de celui de jeunes que nous avons rencontrés mais également des grandes difficultés auxquelles les jeunes sont confrontés quotidiennement. Naturellement, nous disposons de quelques propositions concrètes que nous souhaitons vous soumettre.

Monsieur le Président de la République, rappelez-vous que nous existons, et que nous sommes le futur de notre beau pays. Avec un grand soutien de votre part, nous serons d’une part épanouis dans une société où l'égalité des chances prône, mais également aptes à participer et à nous engager pour notre pays, notre société.

Monsieur le Président de la République, à quelle date souhaitez-vous nous rencontrer ?

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président de la République, l'expression de notre plus profond respect.

Tony Quillardet
Président de l’association « Parlons d’eux »

L'association « Parlons d’eux » a pour objet de sensibiliser le grand public et les politiques publiques à l'égard de la protection de l'enfance, changer le regard négatif de la société envers les jeunes et professionnels de la protection de l'enfance, faire valoir la parole des jeunes confiés mais également promouvoir les opportunités professionnelles dans ce secteur précisément.