Le procès des enfants placés par l'aide sociale à l'enfance (ASE) du Nord dans des familles d'accueil sans agréments a mis en évidence de graves insuffisances dans les dispositifs de contrôle.

Anne Devreese

Anne Devreese, présidente du Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE) réagit sur LinkedIn :

« Il aura fallu plus de 10 ans pour que soient révélées et jugées les violences infligées aux enfants confiés par les services de l’ASE aux Martinez. De nombreuses zones d'ombre n'ont pas été levées dans cette affaire, sur la qualification des faits et les délais de jugement, le nombre d'enfants concernés, la responsabilité pénale des services d'aide sociale à l’enfance…

Et la question se pose de savoir si un tel drame pourrait encore se produire aujourd'hui. On serait tenté de répondre non, vu les lois de 2016, 2022 et les avancées considérables qu’elles ont permis pour mieux garantir les contrôles des lieux d'accueil, mais aussi mieux prendre en compte la parole des enfants confiés à l'ASE et vérifier la probité des professionnels qui prennent soin d'eux. Pourtant, il y a encore beaucoup à faire pour lutter contre les violences institutionnelles et les prises de conscience, si elles sont essentielles, ne suffisent pas.

« Il est inimaginable que la protection de l'enfance puisse être un business »

Les contrôles conjoints avec les services de l'État restent insuffisants. Il n'y a pas de base nationale de gestion des autorisations des lieux d'accueil non traditionnels. Surtout, le cadre réglementaire et les formations aux contrôles sont manifestement inadaptés pour la protection de l'enfance, et les moyens d'enquête financière quasi inexistants, alors que les détournements d’argent révèlent toujours ou presque des violences institutionnelles plus graves encore.

Il est inimaginable que la protection de l'enfance puisse être un business. Or ce risque existe… Enfin, le désengagement des services spécialisés de l'État dans les champs médico-social, sanitaire et judiciaire laisse très seuls les professionnels de l'ASE face aux enfants en grande souffrance. Ce sont ces enfants dits "sans solution" qui sont le plus souvent orientés vers les lieux d'accueil éloignés et moins contrôlés. État et Départements ont la responsabilité conjointe d’améliorer encore les contrôles, mais aussi de mieux prendre soin des enfants les plus vulnérables. Des réponses institutionnelles existent qui mériteraient d'être explorées et davantage soutenues ».

Geneviève Avenard

Geneviève Avenard, ancienne Défenseure des enfants :

« [Il faut] peut-être rappeler que l'article 3-3 de la Convention internationale des droits de l'enfant, qui traite de l'intérêt supérieur de l'enfant, consacre l'obligation pour les institutions, établissements et services « qui ont la charge des enfants et assument leur protection », d'avoir un fonctionnement conforme aux normes (...) « particulièrement dans le domaine de la sécurité et de la santé, et en ce qui concerne le nombre et la compétence de leur personnel ainsi que l'existence d'un contrôle approprié ». Rappeler aussi que le Conseil constitutionnel a consacré en 2019 l'obligation de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ».


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