Les réseaux sociaux s'enflamment depuis l'arrêt de la Cour de cassation du 2 octobre, les professionnels de la protection de l'enfance étant profondément divisés sur les implications de cette décision. Florilège de réactions.

Philippe Chatelain, co-secrétaire EELV Franche Comté

« Le PEAD était une avancée, car il mettait en avant la fonction symbolique du placement, assumer la responsabilité d'un enfant et pourvoir à ses besoins ( (possibilité de paiement, scolarité, argent de poche, vêtements...) sans nécessairement le déplacer. En cas de crise, un repli immédiat était possible, ce qui ne pourra être le cas en AEMO renforcée. Malheureusement, cette mesure a été trop souvent utilisée comme palliatif au manque de places d'accueil et détournée de son objet… »


Nicolas Seraud, professionnel de l'enfance

« Il y avait une responsabilité supérieure de l'ASE en placement à domicile qu'en AEMO. Dans les faits, l’accompagnement parental en AEMO avec placement de l'enfant est très insuffisant. En PEAD, il y a une obligation d'accompagnement ».


Nicolas Hermouet, directeur général de l'association CAPSO

« Était-ce l’urgence du moment en protection de l’enfance, que de défaire ce qui est fait en produisant des effets depuis 40 ans ? »

Damien Mulliez, ancien juge des enfants

« Qui défait quoi ? La Cour de cassation rappelle le droit. Elle est dans son rôle et elle n’avait jusque-là pas été saisie de cette question qu’elle ne pouvait évoquer d’initiative. Êtes-vous certain que le PEAD existe depuis 40 ans ? Que ce soit comme juge des enfants ou comme responsable de l’inspection des services du secteur public et du secteur habilité ou encore comme conseiller à la chambre des mineurs, je n’en avais jamais entendu parler. Du placement séquentiel, de l’accueil à la journée, de l’AEMO avec accueil possible oui, et j’y ai pris une part active, mais pas du PEAD. »

« L’arrêt de la Cour de cassation ouvre la voie à un débat sur le placement éducatif à domicile »
Pour Damien Mulliez, magistrat honoraire, la loi offre une palette de mesures largement suffisante pour répondre aux besoins des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE), rendant superflu le placement éducatif à domicile. Il invite les acteurs du secteur à en débattre.

« Établir un cadre juridique pour le PEAD imposerait de revoir des données fondamentales : il faudrait modifier de nombreux articles du Code civil et du Code de l'action sociale et des familles. En particulier, il faudrait supprimer l’obligation du maintien à domicile chaque fois que possible, car cela signifie qu’on ne peut confier l’enfant à un tiers qu’en caractérisant l’impossibilité de le maintenir en famille ; ce serait supprimer le fait que le juge ne peut confier un enfant à un tiers que si sa protection l’exige ; ce serait admettre que l’atteinte à l’autorité parentale ne relèverait plus exclusivement de l’autorité judiciaire puisque l’ASE ou l’établissement pourrait décider d’un réel retrait. Si nous discutions du rapport du travail social au droit plutôt qu’exiger que le droit se plie aux pratiques et si nous procédions à de sérieuses évaluations des modes de travail en protection de l'enfance ? ».


Jean-Pierre Rosenczveig, magistrat honoraire, membre du bureau du Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE)

« L'arrêt de la Cour de cassation met fin à une incongruité juridique factice : ou en enfant vit chez lui et il peut y avoir lieu a AEMO avec possibilité d'accueil où il est confié à une institution et il peut y avoir un large droit d'hébergement nécessairement limite. C'est simple et de bon sens. La boîte à outils législative est fournie . Placer un enfant chez lui dans le cadre d'une mesure de protection est bien une incongruité juridique comme nous le disions depuis 10 ans. Le PEAD permet au juge des enfants de garantir la responsabilité juridique (et morale) du Conseil départemental : il doit suivre l'enfant qui lui est confié et assumer les conséquences de ses actes ; les départements délèguent ensuite aux associations un suivi éducatif qu'ils ne peuvent pas assumer. Et personne n'y comprend plus rien ! Désormais on fait simple : si l'enfant peut rester chez lui, on décide d'une AEMO simple ou renforcée, avec autorisation d'accueil temporaire. En cas de crise, s' il y a besoin d'éloigner physiquement l'enfant, le juge des enfants accorderait autant que possible un large droit d'hébergement. Pas d'inquiétude, les services actuels vont simplement changer de nom et plus que jamais les conseils départementaux paieront le juste prix d'un accompagnement avec accueil exceptionnel. Ils y ont intérêt. Ouf ! Que ceux qui s'inquiètent de la disparition de la démarche soient rassurés en lisant le Code civil. »

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