Entre 12 et 20 % des filles âgées de 0 à 18 ans, vivant en France et originaires de pays où les mutilations génitales féminines sont pratiquées seraient en risque. Le ministère chargé de l'Égalité entre les femmes et les hommes rappelle les mesures de prévention mises en œuvre.
Hélène Laporte, députée RN de la 2ème circonscription du Lot-et-Garonne a interpellé, dans une question écrite, Isabelle Rome, ministère chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes sur les risques de mutilations génitales féminines (MGF) pour les femmes et jeunes filles résidant en France. Elle rappelle que dans une étude intitulée "MSF-prévale" publiée en juin 2022, des chercheurs français ont estimé à plus de 22 500 le nombre de femmes résidant en Seine-Saint-Denis à avoir subi une excision, soit 7,2 % de la population féminine du département. « Cette situation concerne très majoritairement des femmes ayant grandi à l'étranger, mais également - d'une façon particulièrement préoccupante - des jeunes filles nées en France qui ont subi cette mutilation lors d'un séjour dans le pays d'origine de leur famille, voire, dans de rares mais gravissimes cas, sur le territoire français », affirme la parlementaire.
Qu'en est-il de ce risque en particulier pour les mineures vivant en France ? « Aujourd'hui en France, près de 124 355 femmes adultes vivent excisées. 11 % des filles de ces femmes mutilées le sont également. Entre 12 et 20 % des filles âgées de 0 à 18 ans, vivant en France et originaires de pays où les mutilations génitales féminines sont pratiquées, seraient menacées du fait des convictions de leurs parents ou par la pression de la famille restée dans le pays d'origine », indique le ministère chargé de l'Égalité entre les femmes et les hommes, dans une réponse publiée au JO le 28 mars 2023.
Ces estimations sont supérieures à celles des années 2000, ce qui s’explique par l'arrivée en France de nouvelles femmes migrantes en provenance de "pays à risque" et « par le passage à l'âge adulte des jeunes filles mineures non comptabilisées lors de la précédente estimation », poursuit le ministère.
En 2019, la France a adopté un plan national d'action visant à éradiquer les mutilations sexuelles féminines. Parmi les mesures concernant les mineures, la diffusion d'une plaquette à destination des professionnels en contact avec les enfants, leur permettant de mieux repérer le risque ou l'existence d'une mutilation. Le ministère souligne que les associations luttant contre les mutilations sexuelles féminines ont vu leurs financements sécurisés par le biais de conventions pluriannuelles d'objectifs (CPO). « Ces associations sont des partenaires essentiels auprès des jeunes et de leurs familles ainsi qu'auprès des intervenants des diverses professions concernées », ajoute-t-il. C'est le cas notamment de l'association Excision, parlons-en ! qui mène des actions de sensibilisation en direction des jeunes filles à risque.
Une campagne de communication avant le départ en vacances estivales
Afin de développer la connaissance sur ces pratiques de MGF, le ministère a lancé en 2020 une expérimentation scientifique d'un protocole de mesure directe des mutilations sexuelles féminines, le projet MSF-PREVAL. Les résultats de cette étude ont été publiés en octobre 2022. L'enquête conclut que dans les trois départements [La Seine-Saint-Denis, le Rhône, les Alpes-Maritimes], le risque d'excision varie très fortement « selon le rang générationnel de migration et selon l'année de naissance ». Il est beaucoup plus élevé parmi les femmes nées dans un pays à risque que parmi les femmes nées en France. En outre, les femmes nées avant 1995 ont des risques plus élevés d'être excisées que les générations les plus jeunes. « Les femmes nées en France après 1995 ont un risque quasi nul d'être excisées. Ces résultats montrent que cette méthodologie de prévalence directe, unique en Europe, s'avère pertinente pour les territoires où les populations dites " à risques" sont les plus nombreuses », souligne le ministère.
Dans le cadre du droit d'asile, la protection de ces victimes a été renforcée récemment avec la loi : le législateur a désormais habilité l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) à soumettre une mineure protégée au titre du risque d'excision à un examen médical pour s'assurer, tant que le risque existe, de l'absence de mutilation par la suite (art. L. 752-3 du CESEDA) (lire notre article).
Enfin, pour renforcer la prévention auprès des jeunes publics, le Plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027 présenté le 8 mars 2023, prévoit de déployer un réseau d'ambassadeurs nationaux chargés des actions de sensibilisation en direction des personnels et des élèves de collèges et lycées. De plus, une campagne de communication avant le départ en vacances estivales vers le pays d’origine de leurs parents permettra de sensibiliser les jeunes filles au risque de MGF.
Des outils digitaux pour les professionnels
Le ministère chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes a également mis en ligne des outils digitaux inédits sur le corps sexué féminin et les mutilations sexuelles féminines. « Facilement téléchargeables sur Internet, elles sont destinées à l’ensemble des professionnels qui accompagnent les victimes. Elles pourront aussi être utilisées par les travailleurs sociaux et personnels de la communauté éducative en charge des séances d’éducation à la sexualité », précise-t-il.