Michèle Créoff, ancienne vice-présidente du Conseil national pour la protection de l’enfance (CNPE) dénonce le jeu de dupes entre l'État et les Départements dont les premières victimes sont les centaines de milliers d'enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE).

Quel regard portez-vous sur la situation actuelle du secteur de la protection de l'enfance qui ignore, depuis le remaniement, qui sera son nouvel interlocuteur ?

Michèle Créoff. La nomination d'un secrétaire d'État ou d'un ministre délégué à l’Enfance serait un geste symbolique, mais ne changera pas profondément l'état de déliquescence, l'effondrement en cours de la protection de l'enfance. Depuis plus de 15 ans, nous sommes nombreux à dénoncer les difficultés de la protection de l'enfance, l'incapacité des départements à gérer cette politique complexe, le sous-financement chronique. Le dispositif de l’aide sociale à l’enfance est à bout de souffle, sans que personne ne s'en soucie vraiment. Pour les quelques centaines de milliers d'enfants concernés, cette situation est dramatique.

Les décrets de la loi Taquet ont été publiés au compte-gouttes et il en manque encore, deux ans après la publication de la loi.

M.C. La préoccupation principale de la protection de l'enfance n’est pas la parution de ces décrets car les départements ne les appliquent pas. Aucune loi de protection de l'enfance n’est appliquée. Pas plus la loi Taquet, que la loi Rossignol de 2016, ou la loi de 2007. Que les textes soient ou pas, publiés ou pas, les départements ne les appliquent pas. Et personne ne les y oblige. Il n'y a aucun contre-pouvoir. Aucune association de protection de l'enfance ne va attaquer devant le tribunal administratif des textes réglementaires, défendre des enfants parce qu'ils sont victimes de la non-application de la loi par les départements. Les juges pour enfants ont imaginé qu'ils pouvaient être des contre-pouvoirs. Ce n'est pas le cas, ils sont seulement les juges de l'application des articles 375 et suivants du Code de l’action sociale et des familles, c'est-à-dire de l'assistance éducative. L'État négocie avec les départements pour qu'ils nous fassent l'honneur d'appliquer les textes de la République. C’est le deal qui a été passé depuis la décentralisation. Soit le gouvernement décide, une bonne fois pour toutes, qu'il va forcer les départements à appliquer les lois protectrices, soit nous allons continuer à avoir des textes, certains intéressants, mais non mis en œuvre. Contrairement à ce qu'il dit, le gouvernement n'est pas impuissant pour contraindre les départements.

Il vous reste % de cet article à lire.

Pour lire la suite, rejoignez notre communauté d’abonnés

Je découvre les offres

Vos avantages

  • L’accès illimité à tous les articles, décryptages, dossiers et interviews de la rédaction
  • Une information vérifiée, analysée et documentée
  • Un média indépendant et animé par des journalistes spécialistes du secteur social et médico-social