Michel Ménard alerte la ministre Sarah El Haïry sur la crise de la protection de l'enfance : « Il est urgent d’impulser une dynamique nationale »
Dans une lettre ouverte, Michel Ménard, président du Département de Loire-Atlantique interpelle Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l’Enfance, de la Jeunesse et des Familles sur la situation critique de la protection de l'enfance.
« Madame la Ministre Vous débutez en Loire-Atlantique votre tournée « France Familles » où les enjeux de la protection de l’enfance seront – je l’espère - au cœur de vos préoccupations. Depuis des mois, Départements, associations, professionnels… nous alertons les ministres successifs sur la situation inquiétante de la Protection de l’enfance en France.
En Loire-Atlantique, malgré nos engagements politiques pour le respect des droits de l’enfant et le travail colossal sur le terrain des professionnels, le système de la Protection de l’enfance est à bout de souffle. Trop d’enfants attendent une protection, trop de familles souffrent des défauts de prise en charge, trop des professionnels s’épuisent face aux difficultés qui s’accumulent. Le Département de Loire-Atlantique n’a cessé d’augmenter ses moyens d’intervention (+79 M€ depuis 2021), de créer des places (+266 places depuis le début du mandat), de faire évoluer les pratiques et les conditions de travail… Tous ces efforts conséquents ne suffisent pas à répondre à l’ensemble des besoins. En septembre 2023, 25 présidents de Département ont adressé une lettre ouverte à Charlotte Caubel, la précédente secrétaire d’État chargée de l’Enfance pour trouver avec l’ensemble des parties prenantes, des solutions concrètes et des moyens financiers à la hauteur des enjeux. Ils appelaient de leurs vœux la mise en place d’états généraux de la protection de l’enfance pour que tous les acteurs de l’aide sociale à l’enfance, de la prévention, de l’éducation et de la santé, de la justice, sans oublier les enfants mineurs et leurs familles, retrouvent leur place et les moyens d’exercer leurs missions.
Nous attendons toujours une réponse à ce cri d’alarme pour que la protection de l’enfance devienne LA priorité nationale promise par Emmanuel Macron.
Il est urgent d’impulser une dynamique nationale pour répondre à cette crise conjoncturelle et structurelle et garantir enfin une prise en charge digne et adaptée de tous ces mineurs. La prise en charge de ces enfants et de ces jeunes n’est pas que sociale, elle doit être globale pour leur santé, pour leur éducation. En Loire-Atlantique, plus de 18% des enfants confiés à l’aide à sociale à l’enfance sont en situation de handicap (sans compter les dossiers en cours auprès de la MDPH ou les handicaps invisibles). Mais faute de places dans les établissements ou services spécialisés relevant de l’État, ces enfants sont orientés vers des structures aux solutions inadaptées à leurs besoins et incohérentes au vu de leur parcours. En palliant constamment les carences de l’État en matière de santé publique, c’est tout le système qu’on fragilise.
Protéger un enfant, c’est aussi lui garantir le droit à la scolarisation et l’accès à l’éducation. Aujourd’hui, ce droit n’est pas respecté pour tous les enfants, en particulier les enfants à besoins multiples.La scolarisation ne doit pas être une option pour les enfants de l’Aide Sociale à l’Enfance. Protéger un enfant, c’est tisser un lien d’attachement, être entouré de professionnels formés, présents, considérés... Aujourd’hui, les métiers du lien ne sont pas reconnus à la hauteur de leur utilité sociale, alors que la Protection de l’enfance connaît une grave crise des vocations.
Nous avons besoin de transformations nationales rapides des modalités de formation et d’exercice pour garder les professionnels et redonner aux jeunes l’envie de s’investir dans ces professions.
Le Haut Conseil du travail social vous a rendu en décembre 2023 son livre Blanc, qui partage les constats et propose des solutions en réponse. Protéger un enfant, c’est l’écouter. La Ciivise (Commission indépendante sur l’inceste et les violences faites aux enfants), qui a recueilli en deux ans 25 000 témoignages, a disparu. Il est indispensable de rétablir cette commission pour le besoin de reconnaissance des victimes et pour contribuer à faire évoluer les politiques publiques au plus proche de la réalité.
Madame la Ministre, les solutions existent mais les Départements ne peuvent et n’ont pas, à eux seuls, à transformer en profondeur cet écosystème en crise.
Il est urgent de revoir le financement de cette politique dont la décentralisation n’a pas été́ poussée jusqu’au bout. Les Départements n’ont plus l’autonomie financière suffisante pour mener à bien leurs missions en l’absence de levier fiscal et de dotations financières dépendantes de la conjoncture économique.
Je tiens à conclure ce courrier par une note positive, en saluant le travail et l’investissement quotidien des professionnels de la Protection de l’enfance en Loire-Atlantique : la grande majorité des enfants confiés sous la responsabilité du Département est bien accompagnée par des professionnels qui effectuent un travail formidable. En Loire-Atlantique, la Protection de l’enfance est notre priorité.