Invité sur le plateau du 12/13 info de franceinfo, le 30 septembre, Lyes Louffok, militant des droits de l’enfant et ancien membre du Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE) demande un audit du prestataire privé qui gère le service de pré-accueil du 119 - Allô enfance en danger.
Dans la nuit du 23 au 24 septembre, une petite fille de 3 ans, Lisa, est décédée au domicile familial de Conches-en-Ouche, dans l'Eure après des violences présumées de la part de sa mère et son beau-père. Une amie du couple a déclaré aux gendarmes qu'elle a tenté de joindre quelques jours avant la mort de l'enfant, les services du 119 - Allô enfance en danger, mais elle a été invitée à rappeler plus tard et n'aurait pas pu le faire.
Interrogé sur d'éventuelles défaillances ou négligences dans ce drame, Lyes Louffok déclare : « L’enquête le dira, mais c’est vrai que la première information qui vient nous heurter, c’est cette tentative d’appel au 119 par une amie de ce couple (…). Cet appel n’a malheureusement pas pu aboutir ». Le militant des droits de l'enfant poursuit : « Quand on regarde les statistiques aujourd’hui du 119, on se rend compte que bon nombre d’appels ne passent pas le filtre du pré-accueil, l'étape avant d'avoir un écoutant professionnel au bout du fil qui répondrait aux inquiétudes des personnes qui les solliciteraient et qui saisirait ensuite l'autorité judiciaire ».
Selon l'étude statistique de l'activité du 119 en 2022 publiée en juin dernier, il y a eu 390 414 appels entrants au 119 l'an dernier.
« Certains de ces appels peuvent être dissuadés par le message d’accueil ou raccrochés par l’appelant durant ce message », indique l'étude.
Il faut préciser que les effectifs du pré-accueil sont d'un seul agent de 8-10 h, de 2 agents de 10-21 h et d'un agent entre 21-23 h. Le samedi et dimanche de 9-23 h (et durant les vacances scolaires), le service de pré-accueil du 119 ne compte qu'un seul agent pour prendre les appels entrants.
En 2022, parmi tous les appels entrants au 119, 168 781 appels ont été présentés au service du pré-accueil du 119 et 160 684 appels décrochés par un agent du pré-accueil. Suite de ce premier contact, 26 051 appels (soit 16,2%) ont été transférés aux écoutants, professionnels de la protection de l’enfance.
En dehors des horaires du service de pré-accueil (de 8h à 23h en semaine et de 9h à 23h le week-end), les appels au 119 sont directement traités par les écoutants et ne sont donc pas comptabilisés dans ces chiffres, précise l'étude.
Situé dans les mêmes locaux que les écoutants, le service de pré-accueil du 119 est géré par un prestataire privé, le groupe H2A, spécialisé dans les centres d'appel. « Je pense que ce qu’il va réellement falloir mettre en œuvre dans les jours qui viennent, c’est un audit de cette entreprise privée qui, semblerait-il, a été dans l’incapacité de répondre à la personne qui a souhaité solliciter le 119 », considère Lyes Louffok.
"Il faut s'interroger sur les moyens alloués au 119, qui est notre service d'urgence, le service qui permet de lancer la première alerte".
L'ancien membre du Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE) estime qu'il faut également « interroger les moyens » dont dispose le service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger (SNATED-119). Et d'ajouter : « Aujourd'hui, on a 200 enfants par jour, selon les statistiques de la justice et de la police, qui sont victimes de maltraitance, qui franchissent la porte d'un commissariat ou d'une gendarmerie pour des faits de violence. On a également un enfant qui meurt sous les coups de ses parents tous les cinq jours. [...] Il faut s'interroger sur les moyens alloués au 119, qui est notre service d'urgence, le service qui permet de lancer la première alerte ».
(publié le 2 octobre 2023 et mis à jour le 2 octobre 2023)