Lettre ouverte aux associations de protection de l'enfance de Tony Quillardet, ancien jeune confié à l'aide sociale à l'enfance (ASE) et président de Parlons d'eux.
Chères associations, chers bénévoles,
Des centaines d’associations en protection de l’enfance, des milliers de projets innovants, et pourtant les murs sont là. Malgré les efforts considérables déployés par un vaste réseau d'acteurs et de bénévoles engagés dans la protection de l'enfance, les défis persistent et semblent parfois insurmontables.
Il est aujourd'hui temps d’abattre ces murs. Face à l'entre soi qui nous consume et à la discorde qui nous éloigne les uns des autres dans notre monde associatif, nous vous adressons ces mots avec un poids dans le cœur. Depuis trop longtemps, nous nous sommes perdus dans un dédale de rivalités et d'égos, oubliant parfois la raison même pour laquelle nous avons commencé ce noble chemin : tendre pleinement la main à ceux qui ont le plus besoin de notre aide, nos jeunes et nos familles.
Alors que nos initiatives sont reprises par d'autres, pourquoi les percevoir comme une menace ? Ne devrions-nous pas plutôt nous réjouir de l'accompagnement offert à davantage de jeunes ? Pourquoi chercher à se réapproprier le travail des autres sans penser à s'unir pour le développer ensemble ? Pourquoi investir notre énergie dans des querelles sémantiques et des débats stériles sur les termes utilisés ? Pourquoi sous-estimer le travail des autres alors que notre objectif commun demeure le même ? Pourquoi minimiser le témoignage d'autrui en prétendant avoir vécu des épreuves plus difficiles ? Pourquoi établir une hiérarchie dans l'engagement de chacun alors que chaque contribution est précieuse ?
N'oublions jamais que nos désaccords ne se limitent pas à des « guerres » entre nous. Ils ont des conséquences concrètes et sérieuses sur ce que nous essayons de bâtir. Ils nous font assurément perdre en efficacité dans l’accompagnement de ces jeunes et de ces familles, voire toute crédibilité aux yeux du public et des politiques. Concrètement, cela met complètement en péril notre capacité à réaliser notre mission commune, la même pour tous : prévenir, accompagner, protéger et réinsérer nos enfants et nos familles.
Par conséquent, l’annonce imminente de l'installation de la commission d'enquête sur les dysfonctionnements de l'aide sociale à l'enfance devrait être un signal d'alarme retentissant pour nous tous. Cette commission va prochainement braquer les projecteurs de la société sur les fissures de notre système, révélant les injustices et les souffrances que nous rencontrons chaque jour. C'est un appel pressant à nous réveiller, à ouvrir les yeux sur l'urgence de la situation qui nous entoure, mais également à saisir cette opportunité de lumière pour faire bloc et émerger ensemble dans les débats de notre société.
Dans ce contexte à la fois troublant et de mise en lumière, il est alors crucial que nous dépassions nos querelles internes et nos différends pour nous rassembler autour d'un seul but : défendre seulement les intérêts des plus vulnérables parmi nous. Car c'est seulement ensemble, dans l'unité, la solidarité et le désintéressement, que nous pourrons faire entendre notre voix avec force et détermination. Nous n'avons rien à récupérer personnellement, c'est certain. Notre propre parcours est déjà écrit, mais nous devons aspirer à un avenir meilleur pour les jeunes qui sont actuellement ou seront pris en charge par ces services. Plaçons notre espoir en eux et ne cherchons, nous le répétons, aucun intérêt personnel en cela. Dans ces luttes, la seule chose à gagner est le bien-être des jeunes et des familles.
Ne soyons pas d’accord : nous sommes profondément convaincus que nos désaccords ne sont que le reflet de notre passion et de notre engagement envers nos missions respectives. Mais le temps est venu de transcender ces différences pour nous concentrer sur ce qui est vraiment important.
Nous vous implorons donc, avec tout le respect que nous vous devons ainsi qu’à votre travail, de mettre de côté nos rancœurs et nos vanités. Dans cet instant décisif pour la protection de l'enfance, joignons toutes nos forces, qu’importe la taille de notre structure, dans un geste de réconciliation et d'action collective.
Ensemble, nous le répétons avec conviction, nous avons le pouvoir d’associer le grand public et de faire une différence tangible dans la vie de ceux que nous servons.
Sortez de l'impasse ! Priorité à la jeunesse : choisissez l'action, pas l'obstination.