Lors de la séance des questions orales du 4 juin, la sénatrice socialiste de la Gironde interpelle le gouvernement sur la question de l'intervention systématique d'un avocat aux côtés de l'enfant en assistance éducative, qu’il soit ou non capable de discernement.
En matière d'assistance éducative, l'article 1186 du code de procédure civile, qui concerne les procédures d'assistance éducative : « Le mineur capable de discernement, les parents, le tuteur ou la personne ou le représentant du service à qui l'enfant a été confié peuvent faire choix d'un conseil ou demander au juge que le bâtonnier leur en désigne un d'office ».
« L'assistance de l'enfant par un avocat est optionnelle pour les enfants étant capables de discernement et proscrite pour ceux ne l'étant pas. Une telle assistance est pourtant obligatoire pour toute procédure pénale depuis 1993, et lors des gardes à vue de mineurs depuis 2016. Cet état du droit va à l'encontre des articles 2, 3 et 9 de la convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) de 1989, déplore Laurence Harribey.
La sénatrice rappelle qu’au tribunal de Nanterre, des juges et des avocats ont mis en place une nouvelle pratique depuis le mois de mai 2020 : « un avocat est systématiquement désigné pour chaque enfant, qu'il soit ou non capable de discernement. Après trois d'expérimentation, les magistrats et les avocats ont constaté qu'une telle pratique allait dans le bon sens en permettant aux enfants concernés de créer un lien de confiance avec un avocat spécialement formé », souligne-t-elle. « Cette expérimentation a permis aux enfants concernés par une mesure d’assistance éducative, de créer un lien de confiance et de qualité avec un avocat spécialement formé à recueillir leur parole, à garantir l’effectivité de leurs droits et à assurer leur suivi tout au long des procédures qui les touchent », souligne l'Ordre des avocats des Hauts-de-Seine, dans une motion adoptée en juin 2023.
Elle questionne donc le gouvernement sur une éventuelle « systématisation de cette expérimentation ».
« Le cadre législatif a récemment évolué pour faciliter l'assistance du mineur par un avocat. La loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants permet désormais au juge des enfants de désigner d'office ou à la demande du président du conseil départemental un avocat, lorsque l'enfant est doté de discernement et que son intérêt l'exige. Il convient également de rappeler que le juge des enfants se prononce, selon le code civil, « en stricte considération de l'intérêt de l'enfant » et que les magistrats sont bien sûr formés à l'audition du mineur », lui répond Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, chargée des Personnes âgées et des Personnes handicapées.
Elle indique que le ministère de la Justice a eu connaissance des réflexions, au sein de différents ressorts de juridiction, quant à une éventuelle systématisation de l'intervention de l'avocat lors des procédures d'assistance éducative. Pour rappel, le rapport annexé au projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 prévoit « qu'une réflexion soit engagée afin d'identifier les mesures à mettre en œuvre pour garantir la présence systématique d'un avocat auprès des enfants en assistance éducative ». Le 24 octobre 2023, Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice, avait déclaré, lors de son audition devant la commission des Lois de l'Assemblée nationale, : « en décembre 2022, 117 barreaux avaient pris des engagements, et une réflexion sera menée, comme prévu, sur cette question ».
"Il existe un vide juridique concernant les enfants n'étant pas capables de discernement. Il convient donc de modifier la loi"
Concernant l'expérimentation menée par le barreau des Hauts-de-Seine, « deux juges des enfants ont désigné un avocat pour tout mineur, sans considération d'âge et de discernement », indique Fadila Khattabi. La ministre souligne que la pratique au Tribunal de Nanterre n'a donné lieu à « aucune évaluation » et a été depuis « abandonnée ». Et d'ajouter : « En outre, les neuf autres juges des enfants de Nanterre considéraient cette pratique comme contraire à la loi et au rôle de l'avocat, lequel doit porter la parole de son client, ce qui suppose que l'enfant soit capable de discernement et soit en mesure de s'exprimer ».
Fadila Khattabi confirme qu'une réflexion sera bel et bien engagée sur la présence systématique de l'avocat auprès de l'enfant en assistance éducative.
Pour sa part, Laurence Harribey déplore l'existence d' « un vide juridique » concernant les enfants n'étant pas capables de discernement. « Il convient donc de modifier la loi », juge la sénatrice socialiste.