« La santé mentale des jeunes entre dans une phase dangereuse »

La santé mentale des jeunes est en déclin depuis deux décennies et la situation atteint un niveau critique, selon une étude réalisée par un consortium mondial d'experts pour la revue The Lancet.

Publiés le 13 août, les travaux de la commission « psychiatrie » de The Lancet* (revue scientifique médicale hebdomadaire britannique) dirigés par le professeur Patrick McGorry, expert en psychiatrie et directeur exécutif du Centre Orygen en Australie observent une hausse « alarmante » des problèmes de santé mentale chez les jeunes. « C'est le problème de santé publique le plus grave que nous ayons. Si cette détérioration rapide de la santé se produisait dans n’importe quel autre domaine de la santé, comme le diabète ou le cancer, les gouvernements prendraient des mesures drastiques », alerte le Pr Patrick McGorry.

Le coût mondial des troubles mentaux est exorbitant et ne cesse d'augmenter. En 2010, il était déjà estimé entre 2,5 et 8,5 billions de dollars et pourrait doubler d'ici 2030.

« La crise de la santé mentale des jeunes est plus qu'un signe d'avertissement. Elle pourrait être notre dernière chance d'agir. »

Les problèmes de santé mentale représentent au moins 45 % de la charge globale de morbidité chez les jeunes de 10 à 24 ans. Selon les études, 30 à 70% des adolescents présentant des symptômes dépressifs ou des troubles dépressifs majeurs sont susceptibles de développer un trouble dépressif majeur et persistant à l'âge adulte. Pourtant, seuls 2% des budgets mondiaux sont alloués à cet enjeu de santé publique majeur. Dans les pays les plus riches, la moitié des besoins en santé mentale ne sont pas couverts. Dans les pays en développement, la carence est quasi totale.

« La santé mentale des jeunes entre dans une phase dangereuse », met en garde le consortium mondial de cinquante experts (psychiatres, psychologues, universitaires…) qui pointe les mégatendances mondiales responsables. Le rapport - fruit de quatre années de travail - évoque notamment l’inaction face au changement climatique, l’adversité liée à la pandémie de COVID-19, les inégalités intergénérationnelles, la pression financière, l’instabilité mondiale et l’essor des réseaux sociaux. « Les dommages que certaines combinaisons de ces mégatendances infligent sont profonds et généralisés au sein des sociétés et dans le monde entier. On peut soutenir que les jeunes communiquent les signes d'avertissement de notre monde moderne et indiquent que notre société et notre monde sont en grave difficulté », peut-on lire. Et d'insister : « Aussi longtemps que de nombreux jeunes adultes mourront prématurément, seront condamnés à une vie de dépendance sociale, se verront refuser suffisamment de respect et de soins, et languiront dans la précarité, la société elle-même deviendra plus précaire. La crise de la santé mentale des jeunes est plus qu'un signe d'avertissement. Désormais, elle pourrait être notre dernière chance d'agir ».

« Élaborer de nouvelles solutions à la crise actuelle de la santé mentale des jeunes »

« Les travaux de la Commission arrivent à point nommé. La santé mentale des jeunes se dégrade dans de nombreux pays. Et comme les troubles mentaux apparaissent généralement à l’adolescence, on craint en outre que la détérioration de la santé mentale des jeunes ne provoque une vague de détresse et de déficiences qui perdurera jusqu’à l’âge adulte, avec des répercussions sociétales considérables », déclare le professeur Andrea Danese, membre de la commission de psychiatrie de The Lancet et secrétaire général de l'ESCAP (European society for child and adolescent psychiatry) dans un communiqué. Le professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'Institut de psychiatrie, de psychologie et de neurosciences du King's College de Londres poursuit : « Face aux coûts insoutenables des soins cliniques pour les troubles mentaux avérés chez les adolescents, la Commission met en avant les opportunités offertes par des approches alternatives et complémentaires axées sur la promotion de la santé mentale et la prévention et l’intervention précoce en cas de troubles mentaux. Dans de nombreux cas, les données probantes sur lesquelles s’appuient ces nouveaux modèles de soins sont encore limitées. Cependant, ils offrent de nouvelles orientations sur lesquelles s’appuyer pour élaborer de nouvelles solutions à la crise actuelle de la santé mentale des jeunes. »

*L'article de The Lancet (44 pages) est disponible gratuitement en ligne.