Les affaires de violences conjugales « doivent être jugées d’une manière spécifique », selon Isabelle Rome, ministre déléguée à l'Egalité femmes-hommes. Fin septembre, une mission parlementaire sera chargée de faire des propositions pour améliorer le traitement judiciaire des violences conjugales.
Les affaires de violences faites aux femmes doivent être jugées « de manière spécifique », préconise, dans une interview accordée au JDD le 4 septembre, Isabelle Rome, ministre déléguée à l'Egalité femmes-hommes.
Elle s'était déjà déclarée en faveur d'une justice spécialisée dans le traitement des violences intrafamiliales le 27 juillet, devant les délégations aux droits des femmes de l’Assemblée nationale et du Sénat (lire notre article).
« L’objectif est une action judiciaire conciliant spécialisation des enquêteurs et des magistrats, avec la proximité nécessaire pour les victimes », a précisé Isabelle Rome dans les colonnes du JDD. "En tant que magistrate confrontée à des cas de violences faites aux femmes, je le préconise depuis longtemps. Ces affaires doivent être jugées d’une manière spécifique. Donner une gifle à sa femme, cela n’a rien à voir avec voler un portable dans un magasin. Il faut interroger cet acte et lui apporter une réponse immédiate. Mais il faut aussi interroger la violence des auteurs et fournir un accompagnement spécifique aux victimes », a ajouté la ministre déléguée à l’Égalité femmes-hommes.
"Il faut aussi connaître le psychotraumatisme et l’impact dévastateur de ces violences sur les enfants"
Interrogée sur l’éventuelle création d’une catégorie de magistrats, la ministre déléguée répond qu’elle ne « veu(t) pas anticiper sur les conclusions de la mission » : « Au minimum, il faut continuer à former tous les juges et procureurs susceptibles de traiter ce type d’affaires. Notamment sur la notion d’emprise, voire de contrôle coercitif. »
La ministre déléguée à l'Égalité femmes-hommes souhaite également de nouvelles mesures sur la protection des enfants confrontés aux violences. « Il faut en finir avec ce vieux schéma selon lequel un conjoint violent peut être un bon père », estime Isabelle Rome. « Il faut aussi connaître le psychotraumatisme et l’impact dévastateur de ces violences sur les enfants, afin de tirer les conséquences en matière d’exercice de l’autorité parentale, de droit de visite et d’hébergement », déclare-t-elle.
Elle souligne que les retraits de l’autorité parentale à l’auteur de violences conjugales « sont prononcés de plus en plus souvent: 411 pour le seul premier semestre 2022, contre 75 en 2017 ».
Une mission parlementaire fin septembre
A l'occasion du troisième anniversaire du Grenelle contre les violences faites aux femmes, le 2 septembre, Elisabeth Borne, la Première ministre a annoncé, la création fin septembre, et pour une durée de six mois, d'une mission parlementaire chargée de faire des propositions pour améliorer le traitement judiciaire des violences conjugales.
La mission parlementaire annoncée par la Première ministre sera confiée « à des parlementaires de groupes différents, chargés de dresser d’abord un bilan, puisqu’il existe déjà 123 filières de traitement d’urgence dans les 164 tribunaux du pays », précise Isabelle Rome. « D’ici à six mois, ils formuleront des préconisations » et « avec Elisabeth Borne et Eric Dupond-Moretti, nous pourrons aussi nous inspirer de modèles comme l’Espagne ou le Québec », poursuit-elle. Dans ces deux pays, des tribunaux spécialisés traitent des violences de genre. Depuis 2004, après le vote d'une loi dédiée, l'Espagne a vu baisser les chiffres liés aux violences conjugales de 24%.
Pour rappel, le nombre de féminicides est en hausse de 20% entre 2020 et l'année suivante : 122 femmes ont perdu la vie suite aux violences de leurs conjoints en 2021 (lire notre article). Depuis le début de l'année, 79 féminicides ont été recensés.