La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a épinglé, le 4 mai, la France dans deux affaires distinctes de placements en centre de rétention administrative de mineurs étrangers, dont certains très jeunes, âgés de sept et huit mois.
Dans une première affaire, la France a été condamnée pour la rétention, décidée en janvier 2021 par la préfecture du Bas-Rhin, d’une mère guinéenne et de son fils âgé de sept mois et demi, durant une période de neuf jours, en vue de leur transfert vers l’Espagne dans le cadre du règlement dit "Dublin III " (examen d'une demande d'asile, ndlr), indique la Cour dans son arrêt du 4 mai 2023.
« Compte tenu du très jeune âge » de l’enfant, « des conditions d’accueil dans le centre de rétention de Metz-Queuleu » (Moselle) où ils avaient été envoyés et de la durée de la rétention, la Cour considère qu’ils ont été « soumis à un traitement qui a dépassé le seuil de gravité requis par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme », qui interdit les traitements inhumains et dégradants, souligne la CEDH. Celle-ci a alloué au total 19 000 € aux requérants.
Une violation de même nature a été constatée dans un second dossier, celui de quatre Angolais, une mère et ses trois enfants de 8 mois, 6 et 13e ans au moment des faits. Sur décision de la préfecture du Bas-Rhin, ils avaient été retenus début 2020 au centre de rétention administrative (CRA) de Metz-Queuleu, puis transférés au CRA n° 2 du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) en vue de leur transfert vers le Portugal, là encore en vertu de "Dublin III". « Compte tenu de l’âge des enfants mineurs, dont un nourrisson, des conditions d’accueil au centre de rétention no 2 du Mesnil-Amelot et de la durée du placement en rétention, la Cour considère que les autorités compétentes les ont soumis à un traitement qui a dépassé le seuil de gravité requis par l’article 3 de la Convention », souligne la Cour.
« Au-delà d’une brève période de rétention, la répétition et l’accumulation des effets engendrés (…) par une privation de liberté entraînent nécessairement des conséquences néfastes sur un enfant mineur », insiste le bras judiciaire du Conseil de l’Europe, selon lequel les requérants avaient été retenus pendant dix jours. La Cour leur a alloué 8 000 € au titre du dommage matériel.
"Avec ces nouvelles décisions, ce sont aujourd’hui onze condamnations de la Cour européenne des droits de l’homme qui visent la France", recense la Cimade.
Dans ces deux dossiers, la CEDH a également conclu à des violations des articles 5.1 (droit à la liberté et à la sûreté) et 5.4 (droit de faire statuer à bref délai sur la légalité de la détention) de la Convention. Dans les deux cas, elle avait également activé l’article 39 de son règlement, qui régit les mesures d’urgence, pour réclamer et obtenir la fin des rétentions.
La France a déjà été condamnée à plusieurs reprises pour violation de la convention européenne des droits de l’Homme par la CEDH du fait du placement en rétention d’enfants mineurs étrangers. La dernière en date remonte à mars 2022 et concernait la rétention administrative d'un enfant de huit ans (lire notre article). « Avec ces nouvelles décisions, ce sont aujourd’hui onze condamnations de la Cour européenne des droits de l’homme qui visent la France », recense la Cimade, dans un communiqué du 4 mai. « Depuis la première condamnation de la France en 2012 pour traitement inhumain et dégradant ce sont plus de 35 000 enfants qui ont été enfermés en centre de rétention », ajoute-t-elle.
L’association de solidarité active avec les migrants, les réfugiés et les demandeurs d'asile rappelle que l’enfermement d’un enfant, est « une source importante de stress et d’angoisse est violent et traumatisant et constitue un traitement inhumain ou dégradant. Et ce, quel que soit l’âge d’un enfant et la durée de son enfermement ».
En 2022, comme le révèle le rapport national sur les centres et locaux de rétention (CRA et LRA), présenté le 26 avril, 94 enfants ont encore été enfermés en rétention dans les CRA d’hexagone et 2905 pour le seul CRA de Mayotte (lire notre article). De plus, au moins 129 enfants isolés ont été enfermés dans les CRA hexagonaux alors même qu’un juge des enfants n’avait pas encore rendu de décision sur sa situation, en violation du droit et de la nécessaire présomption de minorité.
(avec AFP)