Isabelle Santiago : « Un secrétariat d’État ou un ministère délégué n’est pas suffisant et ne l’a jamais été »
Dans un courrier adressé le 30 janvier au Premier ministre, Isabelle Santiago, députée socialiste du Val-de-Marne et vice-présidente de la délégation aux droits de l'enfant de l'Assemblée nationale rejoint les nombreuses voix qui réclament un ministère de plein exercice dédié à l'Enfance.
Monsieur le Premier Ministre,
L’enfance est-elle vraiment une politique prioritaire ? Où est la grande cause du quinquennat pour l’enfance en danger ?
Nombreux sont ceux qui demandent un Ministère de l’Enfance et de la Famille. Je m’y associe en tant que parlementaire engagée sur ces sujets et vice-présidente de la délégation aux droits de l’enfant.
Je me permets de vous interpeller sur le devoir d’exigence de la France quant aux droits des enfants et à l’attention apportée à leur développement. Cela doit être notre boussole.
Nous sommes à l’heure où il est temps de redonner du sens à la politique ! La politique publique de l’enfance doit être notre priorité afin de répondre au plus vite à l’urgence de la situation de la protection de l’enfance.
Annoncée comme une « grande cause » du quinquennat d’Emmanuel Macron en 2022, la protection de l’enfance est aujourd’hui à bout de souffle !
Destinée à secourir les jeunes en proie aux dangers, maltraitances ou difficultés sociales extrêmes, la pérennité de cette politique est aujourd’hui menacée, tout comme les 377 000 mineurs qui en bénéficient.
Protéger les enfants victimes de violence est une priorité. Il s’agit avant tout de nos valeurs, de l’avenir que nous souhaitons pour notre société. Ne l'oublions jamais, chaque adulte marche dans les pas de son enfance.
Cette crise du secteur de l’enfance se manifeste par l’épuisement des professionnels du secteur, confrontés à des taux d’encadrement dérisoires, un recrutement difficile, un taux élevé de rotation et une précarisation croissante. Ce contexte déjà alarmant n’a fait que s’accentuer au gré des crises multiples : sanitaires, économiques, inflationnistes, énergétiques…
Parallèlement, les enfants pris en charge au sein de l’ASE témoignent de la dégradation de la qualité des soins, de la saturation des dispositifs d’accueil et d’accompagnement. Victimes de solutions d’hébergement alternatif souvent inadaptées, voire dangereuses, ainsi que des défaillances profondes des systèmes d'accompagnement pédopsychiatriques, les dangers auxquels ces mineurs font face ne cessent de s’intensifier.
Ces constats soulignent avec gravité la responsabilité qui nous incombe, pour nos jeunes concitoyens parmi les plus vulnérables, dont la voix est trop souvent inaudible et dont la capacité d’action est particulièrement limitée. Tous les acteurs impliqués, notamment par le biais du Conseil national de la protection de l’enfance, expriment ensemble leur désarroi face à l'absence d'actions fortes et concrètes destinées à soutenir les institutions dédiées à la protection des enfants au sein de notre société.
C’est pourquoi, Monsieur le Premier Ministre, les déclarations d’intentions ne suffisent plus. La nomination d’un ministre de plein exercice ayant les capacités d’engager une refonte globale de cette politique publique est indispensable.
Un secrétariat d’État ou un ministère délégué n’est pas suffisant et ne l’a jamais été. Le délaissement de la thématique de l’enfance a provoqué de nombreuses crises et il est plus que temps de réagir en conséquence. La protection de l’enfance doit être une priorité et doit bénéficier d’un véritable d’un ministère de plein exercice, afin d’engager les actions nécessaires en réponse aux crises multiples que connait le secteur médico-social.
Pour progresser sur le long terme, un réel changement de paradigme est nécessaire. La convocation d’états généraux de la protection de l’enfance est une piste pour définir la voie des réformes structurelles à engager, à la hauteur des ambitions de la France pour tous ses jeunes. Plus de temps pour les rapports, les notes, les recherches nous avons tous aujourd’hui pour dire que l’urgence est là et que l’État doit y répondre par une vision et un accompagnement au côté des collectivités et des associations.
Conscients des risques de rupture qui pèsent aujourd’hui sur la protection de l’enfance, les conseils nationaux (Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE), Conseil national de l’adoption (CNA), Conseil d’orientation des politiques jeunesse (COJ)), ont communément appelés de leurs vœux la mise en œuvre d’un « plan Marshall » pour l’enfance.
Je vous remercie, Monsieur le Premier Ministre, de l’attention que vous porterez à ma démarche qui s’associe à celles de très nombreux acteurs en France pour faire de l’enfance une réelle priorité. Restant disponible pour discuter des actions à mener en faveur de l’enfance, dont les programmes que nous devons initier comme celui, agir tôt.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de mes salutations distinguées.