À l'occasion de la publication de l'avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) sur les morts violentes d'enfants dans le cadre familial au JO du 20 juillet 2024, retour sur cinq points préoccupants d'une problématique de la protection de l'enfance encore sous-estimée.
L'avis de la CNCDH a été adopté en assemblée plénière à l'unanimité le 12 décembre 2023. La commission y formule 17 recommandations (lire notre article).
1 - Les infanticides vicariants, ou le cas du parent qui « tue son ou ses enfants pour se venger de son conjoint »
La CNCDH liste différents cas de figure de morts violentes d’enfants dans le cadre familial :
- Le néonaticide, c'est-à-dire l’homicide d’un nouveau-né de moins de 24 heures imputé le plus souvent à la mère, occupe une place à part, tant dans ses spécificités criminologiques que dans son appréhension par la société.
- les morts violentes de nourrisson,
- les enfants qui décèdent en raison de maltraitances répétées pouvant aller jusqu’à des tortures ou actes de barbarie, généralement dans un cadre intrafamilial.
- Les morts violentes d'enfants survenues dans le cadre d’une séparation conjugale réelle ou d'une menace de séparation.
La CNCDH répertorie également le cas du parent qui « tue son ou ses enfants pour se venger de son conjoint, ou encore pour s’assurer que ce dernier n’obtienne pas la garde des enfants, lesquels deviennent l’objet du conflit entre deux adultes. L’enfant est utilisé pour atteindre l’autre parent. L’acte s’accompagne parfois du suicide ou d’une tentative de suicide du parent auteur ». Dans ce cas, on parle de « violences vicariantes », même si la commission n'utilise pas cette terminologie dans son avis. Il s'agit de violences conjugales par procuration, qui relèvent du « contrôle coercitif ».
Ce concept de « violences vicariantes » est encore peu connu en France, contrairement à l'Espagne (le Code pénal de ce pays reconnaît ces violences vicariantes comme faisant partie intégrante des violences conjugales). Il désigne une forme particulière d'agression, « exercée contre une femme, par le biais de ses enfants, avec l’objectif de la faire souffrir », selon la définition de Sonia Vaccaro, la psychologue argentine à l’origine de l’expression. Si l’infanticide est la forme la plus extrême, ces « violences vicariantes » sur l'enfant peuvent aussi être de nature physique, sexuelle ou psychologique.
En France, le ministère de l'Intérieur prend en compte la violence de genre par procuration, sous l'appellation « infanticides dans le cadre d'un conflit de couple sans qu'aucun membre du couple ne soit victime ». « En post séparation suite à des violences conjugales, les enfants deviennent la principale cible des violences », explique le Collectif Médecins Stop Violences, le 22 juillet, sur LinkedIn. Et d'alerter : « Nous rencontrons cela presque quotidiennement en tant que médecins d'enfants, car la justice peine à reconnaître le fait qu'il soit traumatisant pour un enfant d'être contraint à revoir l'auteur des violences sur sa mère et le danger spécifique de maltraitances physiques, psychologiques et sexuelles directes sur l'enfant dans les cas de séparations suite à des violences conjugales (même si l'auteur a été condamné) ». Parmi les 17 recommandations, la CNCDH préconise de renforcer la sensibilisation des médecins et plus généralement de garantir la protection des professionnels qui opèrent un signalement.
- Les infanticides liés à un épisode psychotique, ou à une volonté d’abréger les souffrances d’un enfant gravement malade ou lourdement handicapé sont moins courants.
Pour lire la suite, rejoignez notre communauté d’abonnés
Je découvre les offresVos avantages
- L’accès illimité à tous les articles, décryptages, dossiers et interviews de la rédaction
- Une information vérifiée, analysée et documentée
- Un média indépendant et animé par des journalistes spécialistes du secteur social et médico-social