Le Conseil de l'Europe demande aux 46 États membres de faire le point sur la situation de la maltraitance des enfants dans les institutions publiques, privées et religieuses. Il défend le principe d'une « réparation intégrale » pour les victimes passées ou actuelles.
Dans une résolution adoptée à l'unanimité le 26 janvier, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) considère que les 46 États membres doivent faire le point sur la situation des violences commises contre les enfants (abus physiques, sexuels et psychologiques) dans les institutions publiques, privées ou religieuses. L'instance européenne basée à Strasbourg appelle également les États à analyser « les circonstances propices » aux abus sur les mineurs : le placement dans des institutions publiques, privées ou religieuses, les soins inadéquats, le placement familial dans des foyers privés, le retrait d'enfants à des parents jugés "inaptes", l'adoption forcée, etc.
« Ceux qui ignorent les abus du passé ne peuvent pas lutter efficacement contre les abus d'aujourd'hui et de demain », déclare le Suisse Pierre-Alain Fridez (socialiste), rapporteur sur la maltraitance des enfants dans les institutions en Europe. « En Europe, on ne devrait plus jamais fermer les yeux sur les actes de maltraitance commis sur des enfants, qu’ils aient été victimes de prédateurs sexuels, de violence gratuite ou de mauvais traitements dans des institutions publiques, privées ou religieuses, censées être des sanctuaires. L’avenir de trop d’enfants a été brisé de façon irrémédiable », poursuit-il devant le Parlement du Conseil de l'Europe.
Pierre-Alain Fridez indique qu'en Europe « 18 millions d’enfants sont victimes d’abus sexuels, 44 millions de violences physiques et 55 millions de violences psychologiques. Les cas les plus graves se sont produits et continuent de se produire au sein d’institutions publiques et religieuses. Lorsque des mauvais traitements surviennent ailleurs, les institutions de l’État ne parviennent souvent pas à assumer leur responsabilité de prévenir et de combattre ces abus. »
Autre préconisation : mettre en place un programme complet de mesures de prévention et de sensibilisation, y compris un suivi des établissements d'accueil et de toute situation dans laquelle des enfants sont pris en charge, afin de minimiser les risques et de détecter les problèmes le plus tôt possible.
Pierre-Alain Fridez cite comme exemple, dans son rapport, le transfert forcé en France métropolitaine, en particulier dans la Creuse entre 1963 et 1982, de plus de 2000 enfants pauvres de la Réunion relevant de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Un événement qu'il qualifie de « tragédie longtemps sous-estimée ». « Ces enfants ont été arrachés à leur environnement et, pour certains d’entre eux, à leur famille. Servant souvent de main-d’œuvre gratuite pour des ouvriers, des paysans ou des employés, ils ont aussi subi des maltraitances dans leurs familles adoptives », souligne-t-il.
« L'État Français doit reconnaitre ses erreurs et améliorer par des lois, des décrets la protection de l'enfance », commente la Fondation Guido Fluri.
S'appuyant sur le modèle suisse, le Conseil de l’Europe préconise que chaque pays dresse un état des lieux des violences, reconnaisse les souffrances subies, présente des excuses officielles et indemnise les victimes.
En Suisse, une initiative populaire, l'"Initiative de réparation" de la Fondation Guido Fluri, a débouché sur une loi nationale, entrée en vigueur en 2017, qui met l'accent sur la reconnaissance de l'injustice, la réévaluation scientifique et le versement d'une contribution de solidarité pour chaque victime maltraitée dans son enfance. Ainsi, plus de 12 000 survivants de maltraitance d'enfants ont reçu une reconnaissance officielle de l'injustice et un paiement de solidarité, et les cas de maltraitance ont été traités par l'État.
« L'État Français doit reconnaître ses erreurs et améliorer par des lois, des décrets la protection de l'enfance en tenant compte des exemples d'abus subis par d'anciennes victimes », commente la Fondation Guido Fluri, dans un communiqué. « L'État Français doit s'engager rapidement pour garantir les droits des enfants et les protéger de façon pérenne pour une vie sans violence. Les enfants qui ont subi des abus sexuels, certains devenus adultes, doivent être reconnus comme victimes et les excuses publiques de l'État français restent indispensables ».