Le documentaire "Comme si j'étais morte" réalisé par Benjamin Montel - disponible jusqu'au 29 décembre 2026 sur france.tv - raconte l’exploitation sexuelle subie par trois jeunes femmes confiées ou issues de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et le travail complexe des équipes éducatives pour tenter de les sauver.
Les professionnels de la protection de l’enfance sont de plus en plus confrontés à la prostitution des mineurs accompagnés notamment dans les foyers et les MECS (maisons d’enfants à caractère social). « Les victimes de prostitution de mineurs sont majoritairement des jeunes filles âgées de 13 à 17 ans et de nationalité française. Si les mineures désocialisées sont davantage en situation de vulnérabilité, celles issues de familles plus favorisées ne sont pas à l’abri », selon le rapport du Centre de victimologie pour mineurs (CVM) rendu en 2022.
Quelque 15 000 mineurs seraient victimes de prostitution en France, uniquement au sein de l’aide sociale à l'enfance (ASE), selon le Dr Aziz Essadek, maître de conférences en psychologie clinique et sociale à l’Université de Lorraine (lire interview).
À travers une immersion inédite de plusieurs mois dans le foyer d’action éducative « Les hirondelles » à Brunstatt (Haut-Rhin), le documentaire "Comme si j’étais morte" (59 min) réalisé par Benjamin Montel (avec Antonin Boutinard Rouelle) raconte le parcours de trois jeunes femmes âgées de 14 à 25 ans, confiées ou issues de l'aide sociale à l'enfance (ASE).
Eva, la cadette, multiplie les fugues. Ses éducateurs, engagés mais à bout de force, tentent de la sortir des griffes de proxénètes. Lucie, 18 ans, s’est extirpée de l’emprise de son " lover boy" (proxénète débutant une relation amoureuse avec une femme pour ensuite l'obliger à se prostitue, ndlr) il y a quelques mois. Elle revient sur sa descente aux enfers pour mieux la mettre à distance. Chloé, l’aînée, a aussi connu la violence des passes. Dans une démarche de pair-aidance, cette ancienne résidente du foyer se reconstruit « en réparant ses petites sœurs d’infortune et en mettant en garde celles qui idéalisent la prostitution ».
« Entre la colère, la peur, l'impuissance et le désespoir à un moment donné tu dis "ce n’est pas possible" », témoigne un éducateur.
« "Comme si j’étais morte" rend hommage au courage de ces survivantes, mais aussi au travail complexe de ces éducateurs engagés mais à bout de force », souligne Benjamin Montel.
« Au départ de mon enquête, il y a deux ans, des chiffres choc : en cinq ans, le nombre de procédures pour proxénétisme sur mineurs a augmenté de 68 % ; l’âge moyen des victimes se situent entre 15 et 17 ans, mais l’entrée dans la prostitution se rajeunit avec des cas répertoriés dès l’âge de 12 ou 13 ans ; 80 % des mineurs en situation de prostitution seraient des jeunes filles prises en charge par l’aide sociale à l’enfance. Je prends contact avec plusieurs foyers de la protection de l’enfance. Tous confirment la réalité de ce fléau et la difficulté de l’enrayer sur le terrain. Grâce à une autorisation exceptionnelle, notre caméra s’immerge au cœur de l’un d’eux », explique Benjamin Montel, le réalisateur du documentaire.
« J’ai voulu rendre visible cette jeunesse invisible, comprendre les mécanismes insidieux du piège qui se referme sur leur vulnérabilité. Il est urgent de les entendre et dénoncer la réalité crue de l’exploitation sexuelle qui leur est infligé. Il est urgent de ne plus fermer les yeux. Mon film rend hommage au courage de ces survivantes, aux familles brisées par cette violence et au travail complexe des éducateurs engagés mais à bout de force, parfois dépassés et souvent trop seuls », ajoute le réalisateur sur Instagram.
La prostitution des mineurs était inscrite - avant tous ses déboires - dans la feuille de route 2024 de la Ciivise II (Commission indépendante sur l'inceste et les violences faites aux enfants).
(publié le 13 mars, mis à jour le 2 août 2024)