L'urgence est maximale : dans une tribune commune, plus de 80 associations des Hauts-de-France lancent un cri d'alarme dénoncent l'insuffisance des moyens alloués à la politique sociale et médico-sociale et appellent à une refonte profonde du système.

D’abord, il nous faut regarder la réalité en face. Cette réalité se traduit par des faits : sous le coup du vieillissement et de l’accroissement des fractures sociales, la société française, notre société, compte près de dix millions de personnes vulnérables : enfants en difficultés ou en danger, personnes isolées ou dépendantes en raison de leur âge ou de leur handicap, personnes exclues ou en situation de grande précarité. Qui peut croire que l’on est maltraité, dépendant, rejeté ou pauvre par choix ? Dans notre pays, dit développé, qui peut accepter que près de 15% d’entre nous soient mis de côté ? Grâce aux prises de conscience, aux mobilisations et aux conquêtes sociales, la France a peu à peu construit des dispositifs de solidarité nationale : ils permettent de protéger et d’accompagner celles et ceux qui en ont le plus besoin pour bénéficier aussi de notre devise : liberté, égalité, fraternité. À côté des aidants naturels, deux millions de professionnels s’impliquent au quotidien pour soutenir chacun dans son propre parcours vers un mieuxêtre, à son rythme et selon ses possibilités. C’est la mission de ce qu’on appelle le secteur social et médico-social. Et aujourd’hui, alors que les besoins augmentent, ce secteur voit sa mission compromise par les pouvoirs publics eux-mêmes. Notre pays maltraite les plus mal traités ainsi que les professionnels qui les aident. Là encore, revenons-en aux faits en prenant quelques exemples. Lors des dernières Assises nationales des Ehpad – soit deux ans après la publication du livre de Victor Castanet « Les fossoyeurs », de nombreux acteurs ont invoqué l’instauration d’un « Plan Marshall » parce que l’accueil de nos aînés reste profondément en crise : déficit chronique pour de nombreux établissements, pénurie de

Notre pays maltraite les plus mal traités ainsi que les professionnels qui les aident.

Là encore, revenons-en aux faits en prenant quelques exemples. Lors des dernières Assises nationales des Ehpad – soit deux ans après la publication du livre de Victor Castanet « Les fossoyeurs », de nombreux acteurs ont invoqué l’instauration d’un « Plan Marshall » parce que l’accueil de nos aînés reste profondément en crise : déficit chronique pour de nombreux établissements, pénurie des personnels soignants, manque d’investissement dans les infrastructures, etc.

"En protection de l’enfance comme dans les autres domaines d’intervention du secteur social et médico-social, le compte n’y est pas"

S’agissant des personnes en précarité économique, le dernier baromètre1 du Secours populaire français observe qu’un Français sur trois est contraint « parfois ou régulièrement » de ne pas faire trois repas par jour. 43 % des personnes interrogées ne chauffent pas leur logement lorsqu’il fait froid et 62 % déclarent avoir connu la pauvreté ou été sur le point de la connaître : un chiffre en hausse de 4 points par rapport à 2023. Par ailleurs, selon un autre rapport récent2 , les personnes qui ont vécu dans la rue ont 30 ans d’espérance de vie en moins que le reste de la population ! Si l’on regarde du côté de la protection de l’enfance, le bilan n’est pas bien meilleur. Dans son avis d’octobre dernier, le Conseil économique, social et environnemental rapporte que parmi les 350 000 mineurs ou jeunes majeurs bénéficiant de l’aide sociale à l’enfance, beaucoup d’entre eux sont en danger parce que les services d’accompagnement sont eux-mêmes en danger : 2.000 enfants étaient dans la rue en août 2024 (dont près de 500 avaient moins de 3 ans) ; 3 300 enfants en danger sont maintenus dans leur famille ou leur lieu de placement faute de places d’accueil disponibles ; 70 % des juges pour enfants disent avoir déjà renoncé à prendre des décisions de placement d’enfants en danger, faute de solutions ; 30.000 postes sont vacants dans ces métiers qui impliquent une exposition permanente à des situations de violence familiale et institutionnelle. Choisir qui l’on protège vraiment, sans se payer de mots « Améliorer concrètement l’attractivité, la formation initiale et continue, la rémunération, les conditions de travail des personnels de la protection de l’enfance » est d’ailleurs une des préconisations du CESE. Or, en protection de l’enfance comme dans les autres domaines d’intervention du secteur social et médico-social, le compte n’y est pas.

"Nous, acteurs du secteur social et médico-social, demandons aux pouvoirs publics de nous donner les moyens des missions qu’ils nous assignent"

Certes, après la pandémie de Covid-19, les accords du « Ségur de la Santé » et ceux dits « Laforcade » ont permis à une partie du personnel sanitaire, social et médico-social de bénéficier d'une augmentation salariale traduite en points d’indice. Ces premières mesures ont néanmoins laissé de côté les personnels techniques et administratifs sans lesquels nos structures ne peuvent remplir convenablement leurs missions. Grâce à notre mobilisation, les « oubliés du Ségur » ont partiellement obtenu gain de cause, via l’accord signé entre les partenaires sociaux puis étendu par l’État à tous les établissements du secteur. Une convention collective unique est par ailleurs en cours de négociation pour harmoniser et revaloriser les parcours dans les métiers du social et médico-social. Mais ce qui est donné d’une main est repris par l’autre. Parce qu’à différents niveaux, les décideurs publics font des choix budgétaires qui affaiblissent la solidarité nationale et exigent des associations qu’elles fassent toujours plus avec de moins en moins. À l’échelle de nos associations en région des Hauts-de-France, il nous manque 6,8 millions d’euros pour poursuivre nos missions et éviter la disparition d’au moins 150 emplois menacés à court terme.

C’est pourquoi nous, acteurs du secteur social et médico-social, demandons aux pouvoirs publics de nous donner véritablement les moyens des missions qu’ils nous assignent, au plus près des personnes que nous accueillons et accompagnons. Nous demandons à l’État et aux conseils départementaux d’assumer leur parole et leur responsabilité en répercutant dans leurs dotations :
- Non seulement les moyens d’honorer les accords salariaux qui ont été conclus avec l’État,
- Mais aussi les revalorisations qui nous permettront de faire face à l’augmentation des besoins, à l’inflation des prix et aux évolutions de masse salariale inhérentes à la future convention collective.

La cohésion sociale et la solidarité envers les plus vulnérables d’entre nous ne sont pas réductibles à un simple coût budgétaire. Il s’agit avant tout d’un choix politique, d’un projet de société, du respect de la dignité et des droits fondamentaux de chacun en démocratie. Les vaines promesses et les pansements tactiques face à l’urgence sont hors-sujet. Le sens du politique exige de regarder au-delà du court terme et de développer une pensée stratégique qui investit dans son système de protection sociale, sans fragiliser celles et ceux qui le font vivre au quotidien.


Signataires de la tribune : Agnès BEYRET, présidente de l’ABEJ ; Anne Marie VANCAUWELAERT, présidente d’Accueil 9 de Cœur ; Jean-Jacques RENARD, président de l’ACSSO ; Robert DUPONT, président de l’ADAE 62 ; Alain GUFFROY, président de l’ADAMSS ; Domitille RISBOURG, présidente de l’ADARS ; Yvon BENABDELLI, président de l’ADSEA 02 ; Anne-Marie POULAIN, présidente de l’ADSEA 80 ; Jean-Paul LEFEVRE, président d’AED ; Sébastien LEGILLON, président de l’AEP ; Guillaume ALEXANDRE, président de l’AESTS ; Jean-Marc LECERF, président de l’AFAPEI du Calaisis ; Daniel FOUILLOUSE, président de l’AFEJI Hauts-de-France ; Nourdine MENASRI, président d’AFR ; Olivier MALLET, président de l’AGESM ; Benoît VANDERSCHOOTEN, président de l’AGSS de l’UDAF ; Dominique DIAGO, président de l’AHNAC groupe ; Eric DEREGNAUCOURT, président d’Aire Domicile ; Daniel DUBOIS, président, et Patrick Kanner, vice-président de l’ALEFPA ; Robert ADAM, président de l’ALORE ; Claude HUJEUX, président de l’ANAJI ; Jean Louis GARCIA, président de l’APAJH ; Philippe THEO, président de l’APAJH de la Somme ; Olivier BIREMBAUX, président de l’APAJH du Nord ; Patrice ELOY, président d’APAP ; Martine HERMANT, présidente de l’APEI Béthune ; Alain CROIX, président de l’APEI Denain ; Eric CARLIER, président de l’APEI Hénin Carvin ; Thibaud LEGLEYE, président de l’APEI Lens ; André BONNIER, président de l’APEI Saint-Omer ; Ghislain MERLEN, président de l’APEIGAM ; David CAMBIER, président de l’ASPN ; Ahmed ZOUAD, président de l’APRADIS ; Thibault d’AMÉCOURT, président de l’APRÉMIS ; Françoise PAQUES, présidente de l’ APREVA RMS ; Anne-Marie VANCAUWELAERT, présidente de l’APSA ; Salah BOUSNANE, directrice générale de l’Armée du Salut ; Jean-Marie ALEXANDRE, président de l’ASAPN ; Pierre LEMAIRE, président de l’ ASRL ; François VATELOT, président d’Autisme et Familles ; François GAUTHIER, président d’Avenir et Cités ; Patrick LEROY, président de CAO Flandres ; FrançoisXavier TRELCAT, président de CAPEP ; Jean-Bernard CYFFERS, président de Cazin Perrochaud ; Laurent DELIGNE, président de CMAO ; Jean-François Carenco, président de Coallia ; Daniel FOUILLOUSE, président du CREAI ; Jean-Luc VANDESTIENNE, président d’EOLE ; Annie EECKHOUT, présidente de l’ EPHAD La Pommeraye ; Emmanuel DUCLERCQ, président de l’ ESPOIR 80 ; Samuel BALVERDE, président d’EVIE ; Geoffroy CHEVALIER, président de FASSIC ; Chantal DEFRANCE, présidente de FCP ; François DECOTTIGNIES, président de FIAC ; Gilles NOURY, président du GAP ; Jean-Yves BOUREL, président du GRAAL ; Loïc DEGENNES, président d’Habitat insertion ; Bernard BEURDELEY, président d’ Home de l’Enfance ; Franck TALPAERT, président d’Home des Flandres ; Alain CIESLAK, président d’Itinéraires  ; Elodie LEROY, présidente de la Maison d’Enfants de Quesnoy sur Deûle ; Bernard DURAND, président de La Nouvelle Forge ; Marie-Anne BRICE, présidente de La Passerelle Vincent de Paul ; Danièle FERTE, présidente de La Pose ; Alain DUCONSEIL, président de La Vie Active ; Dominique DEMORY, président de Le Coin Familial ; Isabelle BKAIR, présidente de Le Pari ; Jean-Marc BAILLEUL, président de Magdala ; Christian MEURDESOIF, président de MAHRA - Le Toit ; Pierre-Marie FONTAINE, président de Les PEP 62 ; Isabelle Bury, présidente du Planning Familial du Nord ; André FLAJOLET, président de la Résidence Le Parc du Manoir - Gonnehem ; Jean WAMBERGUE, président de la Résidence Saint Léger ; Evelyne DHERBECOUR, présidente de Saint Joseph ; François LEURS, président de La Sauvegarde du Nord ; Pauline FLAHAUT, présidente de Senprécé ; Jean-Yves MORISSET, président de Solfa ; JP ETHUIN, président de Les Talents Hauts ; Bernard COLLIN, président de Traits d’Union ; André BONNIER, président de l’UDAPEI 62 ; Joël DELOEIL, président de l’URAFAD ; Martine FABRE, président de Viatopia.