« Deux ans après, la pleine effectivité de la loi [Taquet] n’est toujours pas au rendez-vous », s'impatiente le collectif Cause Majeur !

Le temps passe mais les mêmes problématiques d'inégalités territoriales et de manque d'accès aux droits pour les jeunes majeurs sortant de l'aide sociale à l'enfance persistent, met en évidence le nouveau bilan du Collectif.

Au niveau des progrès, l'enquête* « sans prétention scientifique » fait apparaître que les jeunes bénéficiant d’un contrat jeune majeur sont pour la grande majorité accompagnés par un éducateur référent ( (90% des répondants). « Si les accompagnements se prolongent en moyenne jusqu’aux 19 ans et 8 mois du jeune, nous sommes encore loin d’un accompagnement légal jusqu’aux 21 ans », note le Collectif qui rassemble plus de 30 associations nationales, collectifs et personnes qualifiées. La durée moyenne de l’accompagnement des jeunes majeurs est de 20 mois (en cumulant le nombre de contrats obtenus entre 18 et 21 ans). De fait, les jeunes interrogés sortent de la protection de l’enfance à 19 ans et 8 mois.

En revanche, la liste est plus longue concernant les manquements constatés dans l'application de la loi.

  • 49 % des répondants constatent l’absence d’augmentation du nombre de contrats jeunes majeurs dans leur département, 66 % constatent qu’ils s’arrêtent avant 21 ans.

Le bilan épingle les conseils départementaux qui justifient encore trop souvent des refus d'accompagnement des jeunes majeurs « par des raisons non conformes à la loi » (exemple : absence de projet scolaire ou professionnel). Ce constat confirme les craintes du collectif Cause Majeur! sur le « caractère arbitraire » des évaluations des situations et de l'attribution des accompagnements jeunes majeurs

  • 44 % des répondants déclarent que les jeunes majeurs ne sont pas prioritaires dans l’accès au logement social ;
  • Seuls 11 % des jeunes interrogés déclarent avoir eu droit à l’entretien pour faire un bilan de leur parcours et leur accès à l'autonomie, six mois après la sortie du dispositif.
Selon l'enquête, seule la moitié de professionnels interrogés connaissent les dispositions de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants.

 « Un double système de la protection de l’enfance »

Le Collectif Cause Majeur s'alarme également du manque d’accompagnement des jeunes anciennement suivis par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Concernant les mineurs non accompagnés (MNA), les retours des professionnels sont alarmants et font part de l'existence d’« un double système de la protection de l’enfance ». Seuls 37 % des travailleurs sociaux interrogés estiment que les MNA sont épaulés dans leurs démarches pour obtenir un titre de séjour. Et 43% d'entre eux déclarent que les jeunes majeurs étrangers ne bénéficient pas du même accompagnement que les autres jeunes du département.

L'enquête attire l'attention sur la situation spécifique des jeunes en situation de handicap psychique lors de leur passage à leur majorité. Le témoignage d’un professionnel indique notamment que « la protection adulte vulnérable est plus longue à obtenir et conditionne l’accès aux établissements médico-sociaux ou aux ESAT (établissements et services d’aide par le travail) ainsi que le contrat jeune majeur (CJM) ».

« Si nous pouvions parler de bilan en demi-teinte en 2023, l'absence d'amélioration notable deux ans après l'entrée en vigueur de la loi devient inquiétante », conclut Cause Majeur !. « Les mêmes problématiques d'inégalités territoriales et de manque d'accès aux droits persistent ».

Y-a-il un pilote dans l’avion ?

Du côté de la CNAPE, la patience a aussi atteint ses limites. « Y-a-il un pilote dans l’avion ? », questionne, dans un communiqué, la fédération des associations de protection de l’enfance. Elle appelle notamment à la publication urgente du décret interdisant l'hébergement des mineurs de l’aide sociale à l'enfance (ASE) dans des hôtels. « Les mesures dont la mise en œuvre devait être immédiate, telles que la non séparation des fratries, le bilan pédiatrique psychique et social de l’enfant remis au juge des enfants, ou encore l’assistance éducative "renforcée ou intensifiée" ne sont toujours pas effectives et homogènes sur l’ensemble du territoire, faute de moyens supplémentaires », ajoute la CNAPE.


*Le bilan a été effectué par le biais d’un questionnaire diffusé dans le réseau du collectif  Cause Majeur !, rempli par 73 professionnels qui accompagnent plus de 3000 jeunes majeurs dans 35 départements.