La ministre des Solidarités et des Familles annonce la mise en place de « travaux d'intérêt général pour les parents défaillants » et la création d'une commission qui fera des « propositions concrètes » pour « relever les défis de la parentalité ».
La ministre des Solidarités et des Familles détaille dans La Tribune du dimanche le plan du gouvernement pour restaurer l’autorité parentale, après les émeutes urbaines liées à la mort de Nahel en juin dernier. Pour rappel, 30% des émeutiers étaient des mineurs âgés de 13 à 15 ans et 60% d’entre eux ont grandi dans des familles monoparentales ou de parents séparés (lire notre article). Le 26 octobre, la Première ministre avait annoncé plusieurs mesures pour renforcer l'arsenal répressif contre les mineurs qui participent à des émeutes urbaines, estimant qu'il existe une « crise de l'autorité » (lire notre article). Élisabeth Borne a déclaré que son gouvernement proposerait au Parlement de mettre en place « des stages de responsabilité parentale » - qui existent depuis la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance -, ou « des peines de travaux d’intérêt général prononcées à l’encontre des parents qui se soustraient à leurs devoirs éducatifs ».
« Avec la Première ministre et le garde des Sceaux, nous mettrons en place des travaux d’intérêt général pour les parents défaillants, le paiement d’une contribution financière pour les parents d’enfants coupables de dégradations auprès d’une association de victimes et une amende pour les parents ne se présentant pas aux audiences qui concernent leurs enfants », déclare Aurore Bergé dans La Tribune du dimanche.
Aurore Bergé fait part également de la création, dès le 11 décembre, d' une commission scientifique, coprésidée par Serge Hefez et Hélène Roques (auteur de Sauvons nos enfants, Editions Robert Laffont, 2023), tous deux spécialistes reconnus de l'enfance et de l'adolescence avec des démographes, des magistrats, des pédopsychiatres, des philosophes. Les membres de cette instance, parmi lesquels la sociologue Irène Théry et la juge Alice Grunenwald auront « six mois pour faire des propositions concrètes », destinées à « relever les défis de la parentalité d’aujourd’hui ». « Le précédent quinquennat a consacré les 1000 premiers jours de la vie de l'enfant, là où se construisent les liens d'attachement, de sécurité et de confiance. Et après ? Aujourd'hui, notre ambition est d'aller au-delà et de nous intéresser à l'enfant, au préadolescent », considère la ministre.
Première réunion, premières démissions
Ce 11 décembre, Hélène Roques s’est montrée critique à l’égard de cette notion de « parents défaillants ». La fondatrice de la structure Notre Avenir pour tous a indiqué sur FranceInfo ne pas savoir ce que cela signifie. « On est peut-être nombreux à se reconnaître dans le fait qu’on n’est pas forcément des parents parfaits. C’est une question intéressante de savoir ce que sont des 'parents défaillants' avant de commenter ce qu’on pourrait leur faire faire. Sinon, on risque d’être trop nombreux ».
Non avertis que ces travaux étaient liés aux émeutes urbaines consécutives à la mort de Nahel, plusieurs membres de la commission dite scientifique sur la parentalité, souhaitée par la ministre des Solidarités et des Familles, ont annoncé le 11 décembre, jour de la première réunion, leur démission. C’est le cas des sociologues Claude Martin et Irène Théry ainsi que la chercheuse au CNRS Agnès Martial. « Agnès Martial, Claude Martin et moi sommes arrivés avec un texte expliquant les raisons de notre démission. Nous avons regretté que les travaux à venir soient placés sous l’égide de méthodes répressives », indique au Monde Irène Théry, en déplorant « la confusion faite entre les politiques et les chercheurs », relaie Le Monde.
L’hebdomadaire précise que les principales pistes de réflexion de la commission devraient concerner les options permettant d’épauler les parents dépassés, de dénouer les conflits familiaux et de prendre en charge la violence et les dépendances des jeunes.
« J'ai une certitude : nous ne pouvons pas nous passer des parents, ni faire sans eux, ni contre eux », ajoute Aurore Bergé, qui entame le 11 décembre "un tour de France de la parentalité", avec une première étape près d'Angers (Maine-et-Loire). « Il y a clairement un enjeu d’autorité à restaurer, ce n’est ni ringard ni réac de le dire. On voit bien que des parents peuvent être dépassés, déboussolés face aux nouveaux risques: sédentarité, importance grandissante des écrans aussi. Et tous les milieux sociaux sont affectés », déclare la ministre dans son interview à hebdomadaire dominical. Évoquant « ces mères de famille sortant dans la rue, le soir, pour récupérer leurs enfants et les remettre dans le droit chemin » lors des émeutes de fin juin, Aurore Bergé considère que « nous ne pouvons pas nous intéresser à la parentalité uniquement face aux crises ». « Ça signifie quoi être des parents ? Et où est le second parent, souvent le père ? Les pères ne peuvent pas se résumer à une pension alimentaire. La société a fini par s’accommoder du fait que les femmes assument seules certaines missions auprès des enfants », poursuit-elle.
La ministre des Solidarités et des Familles annonce également une augmentation « dès 2024 et jusqu'en 2027 » de «30%» des ressources allouées aux CAF pour soutenir et informer les parents dans leur rôle éducatif. « Mais nous avons besoin qu'ils soient pleinement des parents, et tous les jours de la vie de leurs enfants »
Autre mesure : d’ici 2025, le congé familial deviendra « plus simple et plus souple ». Cela signifie que les parents pourront le prendre en même temps ou séparément avec « une indemnisation clairement plus élevée que le congé parental actuel ».
(avec AFP)