En octobre 2021, l'Observatoire des violences faites aux femmes de Loire-Atlantique a engagé une démarche d'état des lieux sur la prostitution des mineurs auprès des professionnels du territoire en contact avec des mineurs et susceptibles de repérer ces situations. Selon le bilan présenté le 16 septembre, 163 situations de mineurs en situation ou risque de prostitution ont été décrites par les 216 professionnels ayant répondu au questionnaire en ligne, au cours des trois dernières années (2019-2022). (1) Au niveau national, de 7000 à 10 000 mineur·es se trouveraient en situation de prostitution en France, principalement des filles de 14 à 17 ans.

Qui sont-ils ? Dans le département, 89 % des mineurs concernés sont des filles, 10% des garçons et 1% sont des personnes transidentitaires.

Ces mineurs connaissent des parcours de vie marqués par la violence, notamment sexuelle, et un dysfonctionnement familial. Un mineur sur deux vit dans un foyer. Une majorité d'entre eux souffre de carences éducatives (55%) et/ou de carences affectives (67%).

Un mineur sur 2 a été victime de violences sexuelles (viol ou agression sexuelle). Plus de 7 mineurs sur 10 ont été victimes de violences au cours de leur vie. Pour presque 8 jeunes sur 10 victimes de violences, les violences subies étaient de nature sexuelle. Enfin, 1 mineur sur 2 a été victimes au sein de sa famille pour 1/3 d'entre eux, les violences subies dans le cadre familial étaient sexuelles.

La particularité de la prostitution des mineurs réside dans le fait, souvent, qu'ils ne se reconnaissent pas comme victimes. De ce fait, il est peu fréquent que la/le jeune aborde le sujet d'elle-même/de lui-même avec un adulte.

En moyenne, les mineurs sont entrés dans le système prostitutionnel lorsqu'elles/ils avaient 15 ans et sont restés un an et cinq mois en situation de prostitution. « Ce laps de temps correspond à l'âge moyen de repérage autour de 16 ans et 8 mois, ce qui démontre la nécessité d'un repérage précoce et d'une prise en charge efficace des mineurs en situation ou risque de prostitution », note l'étude.

Les signaux d'alerte les plus fréquemment repérés par les professionnels sont la consommation de drogues ou d'alcool par la mineure, un rapport au corps peu adapté (manque de pudeur, hypersexualisation…), les fugues ainsi que l'absentéisme scolaire et la diminution des résultats scolaires. « La particularité de la prostitution des mineurs réside dans le fait, souvent, qu'ils ne se reconnaissent pas comme victimes. De ce fait, il est peu fréquent que la/le jeune aborde le sujet d'elle-même/de lui-même avec un adulte », souligne l'Observatoire.

Une prostitution cachée

La prostitution de ces mineures se déroulent, dans 6 situations sur 10, uniquement dans un espace privé. Il s'agit le plus souvent d'un hôtel, dans l'appartement d'un tiers, ou d'une location de type Airbnb.

« Dans 2 situations sur 10, les faits de prostitution ont aussi lieu sur Internet ; dans 7 situations (soit moins d'une situation sur 10) ; la prostitution du/de la mineur.e n'a lieu que sur Internet. Ainsi, il arrive que des "clients" achètent des photos ou des vidéos à caractère sexuel d'un.e mineur.e, qu'ils visionnent parfois en direct : un tel achat constitue de la prostitution par écran interposé », indique l'Observatoire.

Les réseaux sociaux constituent un moyen de prise de contact avec les clients. Dans plus de 8 cas sur 10, cette mise en relation s'effectue via une application (42%) ou par téléphone (40%). Les réseaux les plus souvent cités sont Snapchat (cité dans 31 situations), Instagram (17), Facebook/Messenger (11), WhatsApp (9), et TikTok (8).

Les réseaux sociaux sont également un outil de "recrutement" par les proxénètes. Pour 15% des mineurs, le recrutement s'est effectué par un.e ami.e, elle/lui-même en situation de prostitution. « De nombreux professionnels relèvent le phénomène d'embarquement ou de "rabattage" qui s'opère notamment dans les foyers de protection de l'enfance. Cette forme de proxénétisme représente la majorité des situations décrites de proxénétisme féminin », précise l'étude.

La fugue est un moment de particulière vulnérabilité du/de la mineur.e : 4 mineurs sur 10 ont rencontré leur proxénète lors d'une fugue. Dans 6% des cas, la rencontre entre le proxénète avec le ou la mineur.e a s'est effectuée sur le lieu de scolarisation.

Les attentes des professionnels

Selon l'étude, 72% des professionnels interrogés estiment ne pas être suffisamment informés sur la loi en matière de prostitution. Ils sont 91% à juger ne pas être convenablement outillés pour repérer et répondre à une situation de prostitution de mineur. De plus, 8 professionnels sur 10 expriment le besoin de formation sur cette problématique.

Les professionnels interrogés souhaitent également un travail en réseau pour la prise en charge des mineurs par le biais notamment de référents au sein de chaque institution afin de faciliter la transmission d'informations. Enfin, 6 professionnels sur 10 souhaiteraient pouvoir recevoir l'appui de professionnels spécialisés.


(1) Le questionnaire en ligne était accessible du 15 décembre 2021 au 11 mars 2022 et a reçu 207 réponses de la part de 216 professionnels ou bénévoles travaillant dans une soixantaine de structures localisées en Loire-Atlantique.

Selon l'Observatoire des violences faites aux femmes de Loire-Atlantique, 35 % des mineurs en situation de prostitution sont des mineurs non accompagnés (MNA). « Les MNA auraient pu faire l'objet d'un travail spécifique en raison des particularités qu'elles/ils présentent et qui sont encore peu étudiés », souligne l'étude. Les MNA forment l'essentiel des victimes masculines de la prostitution des mineurs. « La plupart ont vécu des situations d'agression ou d'esclavage sexuel, dans leur pays d'origine, pendant leur trajet migratoire et à leur arrivée en France ».